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LES ÎLES SANDWICH.

rieur, et, après y avoir séjourné le temps nécessaire, passent à celui qui est immédiatement au-dessous, et ainsi de suite. Chaque carré est destiné à nourrir alternativement la famille pendant un temps plus ou moins long. La même eau arrose ainsi les diverses plantations, qui sont calculées de façon qu’un carré soit en pleine maturité, lorsque les produits de celui qui est au-dessus viennent à être consommés.

Au reste, les eaux sont aux îles Sandwich, comme dans tous les pays qui produisent par irrigation, le sujet de nombreuses querelles et quelquefois, mais rarement, d’accidens graves. Il va sans dire que les propriétés du roi et celles des chefs sont le mieux partagées ; mais comme les eaux sont très abondantes, il y en a pour tout le monde. La récolte, d’ailleurs, ne manque jamais ; le cultivateur est toujours assuré de recueillir le prix de son travail. Il est vrai qu’une sécheresse de quelques mois suffirait dans bien des localités pour affamer la population ; mais il n’y a pas d’exemple d’un pareil fléau, et les îles Sandwich sont placées sur le globe de manière à bannir toute crainte à cet égard. Les récoltes sont également à l’abri des ravages que font dans nos colonies les rats, les oiseaux et autres animaux nuisibles. Ce sont là des cadeaux que la civilisation n’a pas encore faits à cette terre. Il est vrai qu’elle leur a déjà apporté les moustiques, les bêtes à mille pattes (scolopendres), les scorpions, etc. Avant 1822, on n’avait jamais vu de moustiques aux îles Sandwich ; il paraît qu’ils y ont été importés de la côte de Californie. C’est également de là que sont venus les bêtes à mille pattes et les scorpions, dont les premiers parurent en 1829. Aujourd’hui, ces animaux incommodes, les moustiques surtout, se sont multipliés à l’infini, et les îles Sandwich ne le cèdent pas, sur ce point, aux pays même qui les leur ont envoyés.

Cette terre encore nouvelle n’a pas eu le temps de voir se multiplier les races d’animaux domestiques. Peut-être même n’y a-t-il que peu de siècles que des plantes ont pu pousser des racines à travers les crevasses des rochers de lave. Long-temps les îles Sandwich ont dû n’être qu’une réunion de cratères vomissant, des torrens de lave, qui, après être allée s’éteindre dans la mer, se solidifiait et élargissait la base du volcan. Puis, lorsque cette terre fut formée, lorsqu’elle fut devenue habitable et fertile, la nature eut soin d’y faire naître des plantes nutritives, de la peupler d’oiseaux et d’y envoyer des habitans. Mais elle a sans doute été surprise avant d’avoir achevé son travail, car Cook n’y trouva que peu de quadrupèdes, très peu d’insectes, et quelques oiseaux seulement (on en compte aujourd’hui dix ou douze espèces). La population fut donc long-temps réduite à vivre de fruits et de poisson, la viande du chien, le seul quadrupède qu’on y rencontrât, étant exclusivement réservée pour les chefs, qui n’en mangeaient que dans les grandes occasions.

On a mis en avant beaucoup de systèmes sur la manière dont les îles Sandwich et les autres îles de l’Océan pacifique ont été peuplées ; chacun a appuyé son opinion de raisonnemens plus ou moins fondés. Certes, je n’ai pas la prétention de résoudre ici un problème qui a échappé peut-être aux savantes recherches d’hommes qui étaient bien plus à même que moi de découvrir la vé-