Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/513

Cette page a été validée par deux contributeurs.
509
GOETHE.

Cependant les enfans de minuit tourbillonnent en cercles lumineux autour de l’ame de Faust, en qui la vie céleste pénètre de plus en plus. Faust, le savant superbe, le maître des esprits, grandit jusqu’au ciel, et là, c’est Marguerite qui se présente pour l’instruire.

la pécheressse, nommée autrefois Marguerite.

Entouré du chœur des esprits,
Le novice heureux croit qu’il rêve.
Dans l’éther il monte, il s’élève ;
Il entre à peine au paradis,
Et déjà ressemble aux archanges.
Comme de ses terrestres langes,
Il se dépouille peu à peu !
Comme en sa jeunesse première,
Il vient d’apparaître au milieu
De son vêtement de lumière !
Oh ! laisse-moi, céleste mère,
L’instruire dans le pur amour,
Car le rayon du nouveau jour
Éblouit déjà sa paupière.

mater gloriosa.

Viens, monte à la sphère divine ;
Il te suivra, s’il te devine.

    De la douleur qui me déchire ?
    Ce que mon cœur a de regrets,
    Ce qu’il craint et ce qu’il désire ?
    Toi seule, toi seule le sais.

    En quelque endroit que j’aille,
    Un mal cruel travaille
    Mon cœur tout en émoi.
    Je suis seule à cette heure,
    Je pleure, pleure, pleure,
    Mon cœur se brise en moi.

    Quand l’aube allait paraître,
    En te cueillant ces fleurs,
    J’arrosais de mes pleurs
    Les pots de ma fenêtre ;

    Et le premier rayon
    Du soleil m’a surprise,
    Sur mon séant assise,
    Dans mon affliction.

    Ah ! Sauve-moi de la mort, de l’affront !
    Daigne, daigne
    Toi dont le cœur saigne,
    Vers ma douleur pencher ton divin front !


    Maintenant, toute peine terrestre oubliée dans l’expiation, Marguerite se sent ravie au ciel dans des nuages de flamme, autour desquels gravite la partie immortelle de Faust ; et les yeux encore tournés vers le trône de la reine des anges, elle l’invoque dans sa béatitude, comme autrefois dans sa misère. — Voilà, certes, deux admirables sujets de poésie et de peinture. Cornélius a traité le premier avec une grace à la fois idéale et naïve, dans son estampe la plus poétique, et sans contredit la plus heureusement venue de la belle collection des dessins de Faust. Quant au second, il appartient de droit à Overbeck, au peintre mystique des Arts sous l’invocation de la Vierge.