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REVUE DES DEUX MONDES.

Celui que j’aimai sur la terre,
Libre de toute peine amère,
Est de retour.


Encore un de ces harmonieux échos de la première partie de Faust. Vous qui vous souvenez de cette plainte si mélancolique et si douce que la jeune fille exhale comme un soupir après sa faute, de ces larmes du repentir qui tombent aux pieds de la madone dans les rosées d’une gerbe de fleurs, écoutez, c’est encore la même voix… la même voix dans le ciel ! À mesure que l’esprit s’accoutume, il retrouve une à une dans ce poème sans fond toutes les idées du premier Faust, mais agrandies, développées ; et qu’on ne s’y trompe pas s’il se sent attiré vers elles par un irrésistible charme, au milieu de l’espèce de canonisation épique et lumineuse dont le poète les investit, c’est qu’il se souvient de les avoir vues autrefois se mouvoir dans la réalité de l’existence. Marguerite, par exemple, l’unité de ce personnage, c’est l’amour, l’amour simple, confiant, résigné, l’amour dans le sein de Marie, soit qu’il pleure ses faiblesses sur les dalles du sanctuaire, soit qu’il chante dans les nuées l’hymne de la rédemption. Aussi, comme notre sympathie s’élance au-devant de la pénitente céleste ! comme elle nous touche plus que la Béatrix de Dante, car Béatrix nous apparaît dans la lumière sans que nous sachions par quels chemins elle y est venue ; on ne nous a rien dit de sa jeunesse et de ses amours. Pour trouver la trace de son existence, il faut sortir du cercle mystique, et l’aller chercher dans les biographies. Puis Béatrix est morte à dix ans : une enfant ! Mais Marguerite, elle a vécu comme nous, parmi nous ; nous l’avons tous vue aimer, souffrir, mourir. Marguerite, nous l’avons rencontrée au puits, à l’église, au jardin, interrogeant une à une toutes ses sensations, ces feuilles fragiles des roses de la vie[1].

  1. Nous avons traduit ici le morceau si touchant de la première partie, afin de donner au lecteur un point de vue nouveau, en opposant l’une à l’autre ces deux situations, qui semblent tirer du contraste encore plus d’intérêt.

    marguerite.
    (Elle met des fleurs nouvelles dans les pots.)

    Oh ! daigne, daigne,
    Mère dont le cœur saigne,
    Pencher ton front vers ma douleur !

    L’épée au cœur,
    L’ame chagrine,
    Tu vois ton fils mourir sur la colline.

    Ton regard cherche le ciel,
    Tu lances vers l’Éternel
    Des soupirs pour sa misère,
    Pour la tienne aussi, pauvre mère !

    Qui sentira jamais
    L’affreux excès