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LE SCHAH-NAMEH.

dant une expédition contre les Massagètes. Dans ces contrées septentrionales, il a pu être enseveli sous la neige avec son armée. Seulement la vanité nationale du peuple aurait fait de ce désastre, d’où personne n’était revenu, le départ mystérieux de Khosrou pour l’autre monde.

Nous arrivons à des noms connus de l’histoire. À Khosrou, qui est bien vraisemblablement Cyrus, succède Lohrasp, dont le fils, Gustasp, porte certainement le même nom qu’Hystaspe, père de Darius ; mais la vérité historique se borne presque aux noms et à quelques rares et incertaines allusions à des faits réels. Gustasp est, dans Firdousi, le héros d’une aventure des plus romanesques. S’étant brouillé avec son père, il fuit déguisé dans le pays de Roum, c’est-à-dire dans l’empire grec, plaît à la fille de l’empereur (Kaisar), l’épouse, tue un monstre, et revient dans son pays à la tête d’une armée. Je serais porté à croire que cette histoire romanesque, dans laquelle figure le César de Constantinople, est d’origine plus récente que le reste de la tradition, et ne se lie à aucun des souvenirs antiques de la Perse.

Mais à côté de cet épisode purement fictif se trouve mentionné un évènement véritable et d’une haute importance historique, l’établissement de la religion de Zoroastre (Zerduscht). Tout porte à placer la venue de ce grand réformateur vers le temps d’Hystaspe ou de Darius, et c’est sous Gustasp que Firdousi fait apparaître le saint vieillard, pour abolir le culte des idoles et fonder ou plutôt renouveler le culte du feu, qui remonte à Djemschid[1]. Il apporte la flamme céleste du paradis, où il a conversé avec Dieu. Il vient montrer aux hommes la foi véritable, et leur enseigner la loi. Ces expressions sont remarquables ; elles font voir à quel point l’empreinte de l’antique religion de la Perse sur la tradition subsistait encore au temps de Firdousi, après quatre siècles d’islamisme.

Le mahométan Firdousi fait parler Zoroastre à peu près comme l’eût fait parler un Guèbre. Dans plusieurs endroits de son poème, ses personnages discourent et agissent suivant l’esprit de la religion de Zoroastre. Cependant, malgré les soupçons qui se sont élevés sur son orthodoxie, Firdousi était un musulman sincère. Ses professions de foi sont fréquentes et énergiques. Il n’a donc jamais pu introduire dans la tradition l’esprit du magisme ; mais il l’y a souvent conservé : c’est une preuve de sa fidélité pour cette tradition, qu’il res-

  1. Préface de M. Mohl, 37.