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princesse viennent cueillir des roses près du camp de Zal, et un entretien s’engage entre elles et le héros ; la suite de cet entretien est une entrevue nocturne entre les amans. La princesse monte sur le toit de son palais et salue le guerrier, qui lui répond : « Jeune fille au visage de lune, que ma bénédiction et la grace du ciel soient sur toi ! Que de fois, dans la nuit, les yeux dirigés vers l’étoile du nord, j’ai prié le Dieu saint, demandant que le maître du monde me laissât voir en secret ton visage ! Maintenant ta voix m’a rendu heureux par ces douces paroles si doucement prononcées. » Après cette gracieuse allocution, Zal ajoute avec une naïveté pleine de sens : « Cherche un moyen de réunion, car pourquoi resterions-nous, toi sur les créneaux, moi dans la rue ? » La princesse déroule ses longs cheveux noirs et parfumés de musc, et dit au guerrier de s’en servir pour arriver jusqu’à elle. Zal ne profite pas de cette singulière preuve de dévouement et emploie un moyen plus simple pour arriver auprès de celle qu’il aime. « À chaque moment, leur amour allait croissant ; la raison les abandonna, la passion s’empara d’eux jusqu’à ce que le jour parût et que le son des tambours s’élevât des tentes du roi. Alors Zal prit congé de cette lune, il fit de son corps la trame et du sein de Roudabeh la chaîne, et les cils de leurs yeux se mouillèrent de larmes. Ils adressèrent des reproches au soleil, disant — Ô gloire du monde ! encore un instant ; n’arrive pas si subitement. » Zal jeta du haut du toit son lacet, et descendit du palais de sa belle compagne. Mais cet hymen entre un héros de l’Iran et une fille du sang de Zohak ne saurait être d’un facile accomplissement. Il faut que Zal fasse fléchir successivement la volonté de son père et celle du roi ; enfin il y parvient. L’union du guerrier persan et de la femme arabe se consomme, et de cette union naît Rustem, le héros par excellence, celui dont la vie se prolongera de siècle en siècle avec la glorieuse destinée de son pays, et couvrira la tradition, chantée par Firdousi, d’une immense auréole.

La naissance de Rustem devait être merveilleuse comme sa vie. Son père, conseillé par l’oiseau protecteur, par le simurgh, ouvre le flanc maternel d’un coup de poignard. Dix nourrices donnèrent leur lait au nouveau-né. Quand il fut sevré, il mangeait autant que cinq hommes. Sam, le vieux héros, va visiter son petit-fils ; l’enfant lui dit : « Je ne suis pas fait pour me livrer aux festins, au sommeil, au repos ; je désire un cheval et une selle, une cotte de mailles et un casque. Ce que j’aime, ce sont des flèches de roseau ; je foulerai aux pieds la tête de tes ennemis. »