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REVUE. — CHRONIQUE.

la noblesse anglaise. Dans ces circonstances, les yeux des hommes sensés se sont tournés vers le duc de Wellington, qui a toujours été l’objet du profond respect de la jeune reine, et qui paraît lui porter un intérêt sincère. On doit déjà au noble duc la fin de quelques dissentimens de famille dans l’intérieur du palais, et l’on sait qu’il s’efforce d’apaiser les esprits les plus animés de son parti. En attendant, les tories ont fait éprouver au ministère, dans la chambre des lords, un échec qui prolongera encore l’affreuse situation de l’Irlande. Le bill de la réforme municipale en Irlande, entièrement dénaturé il y a quelques années, par les amendemens de lord Lyndhurst, et repris chaque fois sans succès à la chambre haute, a été encore cette année combattu par le même orateur. Tel qu’il est maintenant, la chambre des communes se refusera sans doute à y donner son adhésion, et on ne sait jusqu’à quel point ce nouvel ajournement influera sur les esprits en Irlande. Il est à remarquer que depuis lord Castelreagh jusqu’à lord Lyndhurst, ce sont toujours des membres irlandais qui ont nui au bien-être de leur patrie. On s’attend plus que jamais à la dissolution du ministère anglais.



REVUE LITTÉRAIRE.

Le caractère industriel introduit dans la littérature contemporaine par quelques écrivains d’imagination, et que nous avions tout récemment encore l’occasion de caractériser, produit sur les esprits littéraires deux résultats bien différens, selon la nature de leurs tendances. Les uns, s’abandonnant sans réserve et en toute hâte aux hasards et aux profits immédiats de l’improvisation, dispersent et jettent à tout venant, comme en une espèce d’adjudication intellectuelle, ce qui leur reste de verve épuisée et de combinaisons dramatiques ; les autres, au contraire, par une réserve très honorable, se retirent comme en la solitude de leur pensée et laissent à peine fleurir une fois l’an ces roses odorantes de Pæstum, dont on aimait la moisson toujours nouvelle. Mais ce sentiment, que M. Alfred de Musset exprimait d’ailleurs avec tant de vérité dans une charmante nouvelle, le Fils du Titien, n’a-t-il pas aussi son exagération qu’il faut combattre ? et dans cette universelle dispersion, dans ce découragement littéraire, n’appartient-il pas aux esprits qui ont le vrai sentiment de l’art, d’un art élevé, de donner les premiers l’exemple ? Nous nous sommes quelquefois moqués des jeunes poètes qui se comparent au Christ ; mais nous admettrions volontiers l’assimilation, si quelques-uns d’entre eux chassaient les vendeurs du temple. Pour ne parler que des maîtres, combien