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REVUE. — CHRONIQUE.

tarifs par ordonnance soit absolu, c’est-à-dire qu’il lui ait été donné autrement que pour suppléer à l’absence des chambres. Toutefois, l’ordonnance aura lieu, nous n’en doutons pas ; mais le débat recommencera à la session prochaine, quand le ministère viendra, conformément à la législation, demander à la chambre de changer en loi son ordonnance ; et, malheureusement, les adversaires des intérêts si majeurs des ports et des colonies pourront se prévaloir, contre le ministère, de tous ces antécédens.

Nous ne nous lassons pas d’avertir le ministère des dangers de ses incertitudes en toutes choses, car nous prévoyons que le pays aura besoin, pour sa tranquillité, d’une administration ferme et unie dans ses principes, pour résister aux assauts qu’on prépare au gouvernement. Un des meilleurs esprits de la chambre, M. le comte de Rémusat, chargé d’examiner la proposition relative aux députés fonctionnaires, faite par M. Gauguier, a déposé, dans un rapport, le germe de quelques changemens à faire dans la loi électorale. Nous savons que quelques députés d’une intelligence distinguée, et appartenant au parti modéré de la chambre, ne sont pas éloignés d’adopter quelques mesures relatives au rejet des députés fonctionnaires ; mais ce qui se passera sans doute d’ici à la session prochaine les avertira des dangers d’un changement trop prompt. Dans son rapport, d’ailleurs très remarquable, M. de Rémusat n’a dissimulé aucune des objections qui peuvent être faites contre l’état actuel des choses. L’honorable député a cité les exceptions établies en Angleterre et aux États-Unis, et celles qui ont été prononcées en France par la constitution de 1791. L’état de la législation actuelle diffère peu de celle de l’Angleterre, où tout membre du parlement qui accepte une fonction salariée est tenu de se faire réélire. Quant aux exceptions formelles, elles atteignent les commissaires de la cour des banqueroutes, les shérifs et baillis des bourgs, les employés et fonctionnaires des régies des taxes créées depuis 1602, les commissaires des prises, les contrôleurs des armées, enfin les agens du gouvernement dont les fonctions exigent la résidence et une constante assiduité. En Angleterre, les exclusions portées par la loi ont été faites principalement en vue de la régularité des services publics ; on n’a pas voulu que les nécessités du gouvernement représentatif lui portassent atteinte. Les exclusions portées par l’article 65 de la loi de 1831 ont été, pour la plupart, conçues dans un autre esprit, et M. de Rémusat le fait très bien remarquer. Elles intéressent, en général, la pureté des élections. C’est ainsi que le préfet a été déclaré inéligible dans son département, le procureur du roi dans son ressort ; mais cependant on n’a pas perdu de vue, dans cette loi, le bien du service, car la résidence a été jugée indispensable dans certaines fonctions, et c’est pour obéir à cette pensée que les préfets ont été écartés de la chambre.

M. de Rémusat a parfaitement senti les dangers qu’il y aurait à séparer entièrement le gouvernement de la chambre, en écartant tous les fonctionnaires de son sein, et il fait très bien remarquer, dans son rapport, que l’un des deux pouvoirs ainsi rendus étrangers l’un à l’autre serait bientôt condamné à devenir envahisseur. Le pouvoir uniquement législatif serait sans