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bière brassée exprès pour cette solennité, et se racontant à table les histoires du temps passé.

Les philologues et les historiens ont établi diverses hypothèses sur l’origine de cette race finlandaise, isolée, comme une plante étrangère, entre la race scandinave et la race slave. Mais leurs théories sont encore loin d’être complètes, et ne le seront probablement jamais. Avant leur réunion à la Suède, les Finlandais ne pouvaient écrire leur histoire, car ils ignoraient l’usage de l’écriture. Plus tard, l’histoire s’écrivit dans les cloîtres, et les moines du temps n’étaient pas hommes à entreprendre de longues recherches pour découvrir l’origine, les migrations, l’état primitif d’un peuple. Leur tâche d’historiens se bornait à raconter jour par jour les évènemens de leur église, de leur district, à enregistrer de temps à autre, sans observation et sans suite, les nouvelles lointaines qui arrivaient jusqu’à eux. Comme monument de l’histoire ancienne de la Finlande, il ne reste plus que des chants mythiques et quelques traditions. Le moyen, avec des élémens aussi restreints, de remonter le cours des âges, de trouver dans la nuit du passé le berceau de la nation, et d’indiquer comment elle est entrée en possession du rôle qu’elle occupe aujourd’hui ! Cependant, à l’aide de ces vagues notions et de quelques documens épars çà et là dans les traditions islandaises, dans les historiens de Suède et de Danemark, à l’aide aussi de diverses recherches physiologiques faites tout récemment sur les bords du Sund, on croit pouvoir démontrer que les Finlandais et les Lapons habitaient jadis le midi de la Scandinavie[1]. Trop faibles pour résister à l’invasion des Goths, il se retirèrent peu à peu devant ces fiers conquérans, et s’en allèrent, de province en province, chercher un refuge dans les plaines septentrionales qu’ils habitent aujourd’hui.

Mais cette terre choisie par les Finlandais était ouverte aux invasions de deux voisins redoutables. Elle devait être un asile paisible ; elle devint un champ de bataille. Les Russes et les Suédois se la disputèrent avec acharnement. Au XIIe siècle, les Suédois l’emportèrent ; mais la victoire qui décida leur conquête n’anéantit pas les prétentions de leurs adversaires. Après avoir subjugué la Finlande, il fallait la protéger, et ce fut une rude tâche ; car à chaque instant les Russes y entraient les armes à la main, pillant, brûlant les habitations,

  1. C’est l’opinion de Leibnitz, l’opinion que Lagerbring a exprimée dans son histoire de Suède ; Ihre, dans son introduction au dictionnaire lapon ; Schlœzer, dans ses recherches sur l’histoire des anciens peuples du Nord ; Rask, dans un savant ouvrage sur l’origine de la langue islandaise ; Geiier, dans ses chroniques suédoises.