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LES VICTIMES DE BOILEAU.

Dans l’effroi de mes longs ennuis.
Dans l’horreur de mes longues nuits !
Éloigné des bords de la Seine,
Et du doux climat de la cour ;
Il me semble que l’œil du jour
Ne me luit plus qu’avecque peine !
..........
Exilé parmi des sauvages,
Où je ne trouve à qui parler,
Ma triste voix se perd en l’air
Et dans l’écho de ces rivages !
..........
Ici, les accens des corbeaux,
Et les foudres dans les nuages
Ne me parlent que de tombeaux !

« Arrachez-moi à cet exil, vengez-moi, je suis innocent ; et vous, qui êtes roi mortel, songez que vous serez jugé par le roi des cieux. » Les deux strophes suivantes sont à placer parmi les plus belles de la langue française ; plus hardiment jetées que celles de Malherbe, elles marchent avec une rapidité et une majesté que tout le monde admirera :

Celui qui lance le tonnerre,
Qui gouverne les élémens,
Et meut avec des tremblemens
La grande masse de la terre :
Dieu qui vous mit le sceptre en main,
Qui vous le peut ôter demain ;
Lui qui vous prête sa lumière,
Et qui, malgré vos fleurs de lys,
Un jour fera de la poussière
De vos membres ensevelis, —

Ce grand Dieu qui fit les abîmes
Dans le centre de l’univers,
Et qui les tient toujours ouverts
À la punition des crimes,
Veut aussi que les innocens
À l’ombre de ses bras puissans
Trouvent un assuré refuge ;
Et ne sera point irrité
Que vous tarissiez le déluge
Des maux où vous m’avez jeté !