Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/369

Cette page a été validée par deux contributeurs.
365
LES VICTIMES DE BOILEAU.

poète quitta de bonne heure l’héritage paternel, et vint à la cour du Béarnais chercher fortune, avec cette couvée de Gascons qui s’abattait sur le Louvre. Il regretta un jour avec une amertume bien vive

Ses bois verdissans
Et ses isles à l’herbe frêche,
Servant aux troupeaux mugissans
Et de promenoir et de crèche ;
..........
...Et ses abricots ;
Ses fraises à couleur de flamme ;
..........
Et ses rouges muscats, si chers,
Et ses superbes grenadiers,
Aux rouges pommes entr’ouvertes ;
..Et ce touffu jasmin
Qui fait ombre à tout le chemin
D’une assez spacieuse allée,
Et la parfume d’une fleur
Qui conserve dans la gelée
Son odorat et sa couleur.

Dès qu’il parut au Louvre, sa jeunesse, ses saillies, sa facilité à rimer, le mirent à la mode. Que lui manquait-il ? Il était spirituel, il était gentilhomme, brave et Gascon. Les raffinés d’honneur lui ouvrent leurs rangs ; on le reconnaît poète ; il porte bien le petit manteau et la dague. Facétieux et hardi, sa louange se fait accepter, car elle n’a rien de banal, et la liberté de sa parole rehausse l’éloge qu’il daigne accorder. Ses gaillardises charment les oreilles libertines, ses épigrammes flattent la malice des courtisans ; on le compte, car on le craint, et on l’aime, car il amuse. Peut-être trouva-t-il sa perte dans ce premier bonheur ; cette habitude de liberté lui devint fatale. C’était une cour d’étrange espèce que la cour de Henri IV ; la chasteté n’y régnait pas plus que la modestie, et l’on y était médiocrement dévot ; en revanche, la saillie y abondait avec le courage. Le premier pli de l’ame et la première saillie de l’esprit, chez Théophile, datent de cette époque et de ce palais du Louvre, sous Marie de Médicis. Il a toute la sève, la verdeur, la vivacité, le libertinage fanfaron qui conviennent à ses maîtres. Un courtisan a-t-il comparé les yeux d’une dame aux clartés du soleil ; Théophile note aussitôt, dans un quatrain, l’extrême justesse de la comparaison, attendu dit-il, que « les bienfaits de l’astre et ceux de la princesse sont