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REVUE. — CHRONIQUE.

de débarquement. Deux autres vaisseaux et une frégate doivent avoir fait voile depuis pour rejoindre la flotte.

Les forces égyptiennes, qui avaient été signalées entre Alexandrie et Rhodes le 4 juillet, se composaient de dix vaisseaux de différens rangs, de cinq frégates et dix bâtimens inférieurs. Elles se trouvaient ainsi moins nombreuses que les forces ottomanes.

Les forces navales de la Russie, qui paraît ne pas devoir jouer un rôle actif dans cette coërcition, mais qu’on doit compter, et qu’il est nécessaire de balancer pour exercer une influence réelle, se composent, en tout, de cinq divisions au grand complet. Chaque division consiste en un vaisseau à trois ponts, huit à deux ponts, y compris deux vaisseaux de 84 et six frégates, plus une corvette et deux avisos. Chaque vaisseau de ligne est monté par un équipage de 1,100 hommes, y compris l’état-major, ce qui porte l’effectif de l’armée navale à 50,600 hommes. Deux de ces divisions stationnent dans la mer Noire. Le nombre des hommes qu’elles portent est de 19,800.

Les forces de la France, augmentées de tous les bâtimens armés qui se trouvent dans le port de Toulon, qui ont reçu l’ordre de partir successivement pour le Levant, porteront l’escadre de l’amiral Lalande à huit vaisseaux, trois frégates, quatre corvettes et quatre bricks.

La Turquie a donc une escadre de vingt-neuf voiles, dont dix vaisseaux ; l’Égypte, une flotte de vingt-cinq voiles, dont dix vaisseaux également ; la Russie, vingt-quatre voiles, dont dix-huit vaisseaux ; et la France, dix-neuf voiles, dont huit vaisseaux. En supposant la neutralité la plus absolue de la part de la Russie, la France, si la flotte de Malte n’arrive pas promptement, aura à commander la paix à un ensemble de forces de cinquante-quatre voiles, dont vingt vaisseaux. On voit s’il est important d’augmenter nos forces dans les mers du Levant, et si les dix millions que la chambre a votés à cet effet seront de trop.

La France ne peut donc, pour le moment, vu l’état de ses forces maritimes, agir que par son ascendant moral dans la question d’Orient, et cependant elle seule peut réellement agir, car les puissances avec lesquelles la France marche d’accord, en y comprenant ou non la Russie, ont des intérêts trop compliqués pour hasarder une démonstration nette et vigoureuse. L’escadre britannique était encore, il y a peu de jours, à Malte, et les actes de l’ambassadeur d’Angleterre à Constantinople n’ont pas encore été expliqués de manière à prouver que son gouvernement a sincèrement désiré, dans ces derniers temps, le maintien du statu quo. L’Autriche est trop occupée des avantages de son commerce avec l’Orient par Trieste, et des ressources que lui offre, pour transporter ses marchandises à la mer Noire, le Danube, avec ses cinq cents lieues de cours et ses cent vingt affluens, pour ne pas ménager à la fois la Turquie et la Russie, en restant plus ou moins dans l’attitude neutre qu’elle affectionne. C’est donc la France qui va prendre le rôle actif, c’est elle qui vient s’interposer, avec des forces minimes, entre les deux flottes, c’est elle qui envoie des officiers d’état-major sommer la Porte de retirer ses troupes de la Syrie, et c’est