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RECHERCHES HISTORIQUES.

celle qui se mariait avec un colon n’avait aucune part à la terre paternelle, tandis que celle qui épousait son pareil la possédait entièrement. Quant aux autres objets de la succession, ils se partageaient entre les deux sœurs par portions égales[1].

Le droit des colons de poursuivre leurs actions en justice ne paraît pas avoir été plus restreint sous les rois des Francs que sous les empereurs. À la vérité, l’édit de Théodoric, plus sévère en cela que la loi romaine, défendait aux tribunaux d’accueillir les plaintes des colons contre leurs maîtres, soit en matière civile, soit en matière criminelle ; mais cette interdiction cessa bientôt d’être observée, ou même ne fut jamais en vigueur dans le royaume des Francs, surtout pour les causes dans lesquelles les colons avaient à défendre contre leurs maîtres leur état et leur loi. Ainsi, d’un côté, des colons se prétendant libres, défendent eux-mêmes leur cause au tribunal du comte ou du vicaire ; et, de l’autre, en 828, les colons d’Antoigné citent, par-devant le roi Pépin d’Aquitaine, l’abbé de Corméri leur maître, qu’ils accusent d’exiger d’eux plus qu’ils ne lui devaient ; et les colons de Mitri, en 861, s’étant rendus à Compiègne auprès du roi Charles-le-Chauve, proclament qu’ils sont par leur naissance des colons libres, comme les autres colons de Saint-Denis, et que c’est à tort que l’officier de ce monastère veut leur imposer de force des services onéreux qu’ils ne doivent pas.

Cependant les colons d’une église ou d’un monastère étaient ordinairement remplacés ou représentés en justice par l’avoué de cette église ou de ce monastère ; et cette coutume, qui s’observait à l’égard des ecclésiastiques aussi bien qu’à l’égard de leurs hommes, loin d’offrir rien d’humiliant pour eux, avait, au contraire, été instituée dans un but de protection et dans l’intérêt du clergé. Ce ne fut qu’en s’écartant du principe de leur institution que les avoués cessèrent d’être les défenseurs des églises et des abbayes, pour en devenir les tyrans et les déprédateurs. Les commissaires généraux ne devaient pas citer les colons pauvres à leur tribunal, au moins dans plusieurs cas, et particulièrement lorsque ceux-ci refusaient, dans les marchés, les deniers de bon aloi : c’étaient alors les avoués qu’on mettait en cause pour les délinquans, et qui, après avoir payé au roi l’amende ou ban des hommes libres, de 60 sous, faisaient battre les colons de verges[2].

  1. L. Sal. Herold., XI, 2 ; XLIV, 7. — L. Alam., tit. 9 et 57.
  2. Carol. C. edict. Caris., an. 861.