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RECHERCHES HISTORIQUES.

Salvien des hommes libres qui convertissaient leurs propriétés en emphytéoses (de même que plus tard on convertit les alleux en bénéfices) pour vivre sous la protection des grands auxquels ils abandonnaient leurs fonds ; ce qu’il raconte, en outre, des propriétaires qui renonçaient entièrement à leurs biens pour se faire colons des riches, tout cela remontait, sans aucun doute, à une date antérieure, probablement même avant Constantin, et semble être, sinon l’origine, au moins une des principales causes de l’accroissement du colonat[1]. La modification et l’amélioration de l’état des esclaves agricoles, ainsi que la transplantation des barbares dans l’empire pour la culture des terres laissées en friche[2], contribuèrent aussi beaucoup au progrès de cette institution[3].

On entrait dans le colonat de plusieurs manières :

Par la naissance, lorsqu’on avait pour mère une colone, colona[4] ;

Par contrat, lorsqu’on déclarait dans les formes exigées par la loi sa volonté d’être colon ;

Par le mariage, lorsqu’on épousait une colone, dont on s’engageait, devant le magistrat, à suivre la condition ;

Par la prescription, lorsqu’on avait passé trente années dans le colonat.

Le colonat étant un état mixte, composé moitié de liberté, moitié de servitude, nous indiquerons d’abord ce que le colon avait de commun avec l’homme libre, puis ce qu’il avait de commun avec l’esclave.

  1. Gubern. Dei, V, 8 et 9. — Il n’y a guère d’apparence que le colonat soit né ou de la conquête, ou d’une espèce d’affranchissement imparfait ou conditionnel, inconnu au droit romain. On le ferait dériver plus volontiers de l’esclavage germanique, surtout si l’on avait la preuve que, chez les Germains, l’esclave était inséparablement uni à la glèbe avec toute sa postérité.
  2. Voyez surtout la constitution des empereurs Honorius et Théodose de l’an 409, découverte par M. Amédée Peyron, et publiée dans les Mémoires de l’Académie royale de Turin, tom. XXVIII, Cod. Theod., fragm. inéd., pag. 120-121.
  3. Les colons étaient désignés de différentes manières. On les appelait coloni originales, originarii coloni, ou simplement originarii, parce que leur naissance les liait indissolublement au sol qu’ils occupaient. On les appelait aussi tributarii, censiti, censibus obnoxii, censibus adscripti, adscripticii ou adscripticiæ conditionis, parce qu’ils étaient soumis à l’impôt personnel ou capitation. Ils étaient de la même condition que les inquilini, auxquels ils sont assimilés par une loi des empereurs Arcadius et Honorius et par les Institutes de Justinien.
  4. Les enfans nés d’un colon et d’une femme libre étaient colons ; mais Justinien les déclara libres ; puis il les soumit de nouveau au colonat ; enfin ils furent rendus à la liberté avec certaines restrictions.