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RECHERCHES HISTORIQUES.

terres des églises ou des abbayes sortaient de la juridiction ordinaire, et passaient sous celle des évêques ou des abbés. Ceux qui s’étaient engagés dans le vasselage vivaient sous la juridiction de leurs seigneurs, quoiqu’ils fussent tenus de jurer fidélité au roi.

Les hommes libres propriétaires, établis sur un fonds étranger, et vivant sous la juridiction des évêques ou des abbés, étaient soumis aux mêmes charges que les hommes libres de la première espèce ; seulement, ces charges tournaient au profit de leurs patrons ou seigneurs. Ainsi les hommes libres des terres de l’évêque de Paris, outre qu’ils étaient obligés de le suivre à l’armée, devaient faire et payer au profit de son église ce qu’ils faisaient et payaient jadis au profit de l’empereur.

Il faut observer, au sujet de ces juridictions particulières, dont jouissaient les évêques, les abbés et les hommes libres de la première espèce, qu’elles restaient placées sous l’inspection des officiers du roi, et que ceux-ci devaient non-seulement veiller à la poursuite et à la punition des crimes qui s’y commettaient, mais encore réserver certains cas à la justice de leur propre tribunal.


III. — Les hommes libres de la troisième espèce ne possédaient ni terres, ni juridiction ; c’étaient en général des hommes soumis à des cens. Ils avaient moins de droits et en même temps moins de charges que les autres hommes libres.

Lorsqu’un homme ne se sentait pas assez fort pour se maintenir par lui-même dans la jouissance de sa liberté et de sa propriété, il avait recours à quelque seigneur puissant et se rangeait sous son patronage. Il lui remettait les biens qu’il possédait, sous la condition d’en conserver la jouissance perpétuelle et héréditaire, moyennant un cens annuel et fixe. « En Suisse, dans le bourg de Wolen, près de Bremgarten, canton d’Argovie, habitait un homme puissant et riche, nommé Gontran, qui convoitait ardemment les biens de son voisinage. Des hommes libres du même bourg, jugeant qu’il serait bon et clément, lui offrirent leurs terres, à condition, d’une part, qu’ils lui en paieraient le cens légitime, et de l’autre, qu’ils en jouiraient paisiblement sous sa protection et tutelle. Gontran accepta leur offre avec joie ; mais il travailla sur-le-champ à leur oppression. Dans les commencemens, il leur demanda toutes sortes de choses à titre purement gratuit ; ensuite il voulut tout exiger d’eux avec autorité, enfin il prit le parti d’en user à leur égard comme envers ses propres serfs. Il leur commandait des corvées pour le labour de ses