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DE L’INDUSTRIE LINIÈRE.

de la valeur, évaluation qui se rapporte assez bien à celle que nous avons faite nous-même, la commission juge qu’il faudrait le porter à 7 pour 100, en ayant soin toutefois de le graduer, de manière à ce qu’il demeure à peu près à ce même taux pour les différentes qualités de fils. Sur le principe de la graduation, nous n’avons rien à dire : il est d’une justesse incontestable, et nous le croyons universellement admis ; mais qui ne sera frappé de la faiblesse de ce droit, 7 pour 100, pour sauver une immense industrie menacée d’un grand péril, quand il n’y a pas dans le pays une industrie si futile, si ingrate, si misérable, qui ne jouisse d’une protection beaucoup plus forte ? Si nous avons réussi à exposer clairement l’état des choses, on a dû comprendre qu’une protection si mesquine n’atteindrait pas le but. Nous avons lieu de croire que la commission d’enquête a délibéré sous l’empire d’une illusion. À ceux qui, l’année dernière, réclamaient l’augmentation du droit, on disait, on répétait sans cesse : Voyez ce qui se passe, considérez tous ces établissemens qui se forment, et ces projets en plus grand nombre, qui sont à la veille d’éclore ; tout cela ne témoigne-t-il pas contre la justice de vos plaintes et la valeur de vos réclamations ? Ce mouvement, qui se manifeste de toutes parts, n’est-il pas la meilleure preuve de la prospérité de votre industrie et de la bonne disposition de nos tarifs ? L’objection était forte alors, et la commission, qui l’a recueillie, s’est laissée visiblement influencer par elle. Mais les évènemens se sont chargés d’y répondre. Si les membres de la commission ne sont pas maintenant désabusés, c’est que la situation présente ne leur est qu’imparfaitement connue. Le fait est que tous ces projets dont on se prévalait contre les réclamans sont encore aujourd’hui ce qu’ils étaient, des projets. Pas un n’est venu à terme, tant il est vrai que la protection promise était attendue, qu’on y comptait, et qu’elle était l’appui nécessaire des établissemens à naître. Les délégués de l’industrie linière ont demandé, eux, un droit de 18 pour 100 sur les fils, et de 28 pour 100 sur les toiles ; et ce droit, dont nous n’avons pas le loisir de justifier le chiffre, ne nous paraît avoir rien d’exorbitant, rien qui excède la mesure d’une protection raisonnable et normale.

Il y a lieu de s’étonner vraiment de la rigueur avec laquelle on marchande à l’industrie linière une protection dont tant d’autres jouissent sans raison, et qu’elle peut réclamer à tant de titres. Nous ne répondrons pas à toutes les objections qu’on lui oppose ; ces objections n’ont pas en général une grande valeur. Disons seulement quelques mots à ses principaux adversaires.

Ce sont d’abord ceux qui craignent les représailles de l’Angleterre, ou qui voudraient voir nos relations avec elle s’étendre ; ce sont ensuite certains partisans indiscrets de la liberté commerciale, qui viennent jeter au travers de cette discussion leurs principes mal digérés. Aux premiers, nous répondrons que l’Angleterre n’a pas aujourd’hui de représailles à exercer ; que ses tarifs, combinés en vue de ses intérêts propres, ne sont guère susceptibles d’aggravation à notre égard, et qu’elle ne les aggraverait point sans se nuire à elle-même ; que, s’il est désirable, et nous le croyons aussi, que nos relations avec elle s’étendent, c’est à la condition que cette extension de rapports servira nos