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étoupes de Russie, qualité analogue, reviennent aux Anglais à 47 fr. 50 c., et les nôtres coûtent 65 francs. Même différence pour les chanvres. On pourrait dire à cela : Pourquoi nos fabricans ne se servent-ils pas aussi des lins russes ? Mais les droits à l’importation sont en France de 5 francs 50 centimes pour les lins teillés et les étoupes, et de 16 francs 50 centimes pour les lins peignés, tandis qu’en Angleterre, pour les lins bruts, les étoupes, les lins teillés et peignés, il n’existe qu’un droit insignifiant de 21 centimes. Les Anglais ont d’ailleurs sur nous le grand avantage d’avoir avec la Russie des relations régulières dès long-temps établies ; en outre, notre navigation est beaucoup plus chère que la leur, ce qui n’est pas d’un médiocre intérêt pour une marchandise d’encombrement comme le lin, et surtout les étoupes. Ajoutez à cela que nos établissemens ne sont pas généralement situés à la côte, comme le sont la plupart des établissemens anglais, et qu’ils ne pourraient s’y mettre en grand nombre sans s’exposer à des inconvéniens d’un autre ordre qu’il serait trop long d’énumérer. Presque toutes les filatures anglaises sont proches de la mer, et celles même qui en sont éloignées ont avec elle des communications faciles, qui manquent généralement aux nôtres.

On sait que les machines à vapeur coûtent plus cher en France qu’en Angleterre, et il serait inutile d’en exposer les raisons. Toutefois cette différence se ferait peu sentir, si ce n’était le prix énorme du charbon. En Angleterre, le prix du charbon varie, selon les localités, de 60 à 150 centimes l’hectolitre ; mais pour les filatures de lin les prix sont généralement les plus bas, car la plupart sont établies sur les lieux même d’extraction. Ainsi la ville de Leeds, qui compte cent cinq filatures, est assise sur un bassin houiller d’une incomparable richesse. Plusieurs puits d’extraction sont ouverts dans l’intérieur même de la ville, quelques-uns jusque dans la cour des établissemens manufacturiers. À Dumfries, les filateurs ne paient la houille qu’à raison de 60 c. l’hectolitre. Elle est plus chère à Dundee ; mais elle ne revient encore qu’à 1 fr. 10 c. l’hectolitre de 100 kilog. En établissant donc une moyenne de 80 centimes, on est plutôt au-dessus qu’au-dessous du prix réel. En France, ce prix varie de 2 à 4 francs l’hectolitre, et va même au-delà. Ainsi, pour citer des exemples, MM. Malo et Dickson, de Dunkerque, dont l’établissement est situé à la côte, et qui profitent de cet avantage pour tirer leur charbon d’Angleterre et d’Écosse, ne l’obtiennent qu’à 2 francs 50 centimes l’hectolitre, en comptant les frais de transport et les droits. M. Scrive, de Lille, le paie, malgré le voisinage des mines d’Anzin et de Mons, à raison de 2 francs 25 centimes l’hectolitre ras de 80 kilog., ce qui le porte à 2 francs 80 centimes pour l’hectolitre plein de 100 kilog. comme à Dundee. Le charbon coûte 3 francs ou 3 francs 10 centimes l’hectolitre à Abbeville, autant à Essonne, dans l’établissement de M. Feray, et dans certains autres lieux bien davantage. Nous ne portons cependant la moyenne qu’à 2 francs 80 centimes. C’est donc trois fois et demi le prix anglais. Or, dans une filature de 3,000 broches, par exemple, il se consomme 36 hectolitres de charbon par jour. C’est donc pour l’année