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DE L’INDUSTRIE LINIÈRE.

pour que l’on crût, en l’adoptant, se mettre au niveau des progrès accomplis. Il est à craindre que ce choix malheureux ne laisse certains de nos filateurs dans une position d’infériorité relative vis-à-vis des filateurs anglais. S’il ne les empêche point de lutter avec eux, quant à la qualité des produits, il leur nuira du moins dans la rapidité de l’exécution, et par conséquent dans l’économie du travail ; et qui ne sait que l’économie est aujourd’hui le dernier terme du problème industriel ?

Cependant l’erreur n’a pas été générale. Parmi ceux de nos fabricans qui se sont pourvus en Angleterre, plusieurs y ont échappé, soit parce qu’ils ont pu se livrer à un examen plus attentif, soit parce qu’ils se sont adressés à d’autres constructeurs. Quant à ceux qui ont acheté leurs machines en France, ils en ont été facilement préservés ; car, dans les ateliers de M. Decoster, qui ont été jusqu’à présent, en France, les seuls ateliers de construction pour la filature du lin, les deux systèmes sont depuis long temps en présence, avantage qu’on ne trouve guère en Angleterre, et il a été possible de se décider entre eux après un examen comparé. L’expérience personnelle de M. Decoster lui a d’ailleurs permis de diriger les choix de ses cliens. Déjà même les vices de ce système ont été reconnus par plusieurs de ceux qui s’en sont servis. On nous assure que M. Feray, qui, lui aussi, avait cru devoir renouveler en partie son premier matériel, pour adopter les machines à vis, a renoncé depuis lors à leur emploi. L’erreur est donc déjà signalée, reconnue, et il est vraisemblable qu’elle ne se propagera point. Il est vrai que les deux mécaniciens qui viennent de se mettre sur les rangs pour la construction des machines à filer le lin, MM. Schlumberger et Debergue, ont précisément adopté, comme on a pu s’en assurer à l’exposition des produits de l’industrie, ce même système auquel d’autres plus avancés renoncent[1] ; mais ces erreurs particulières ne sauraient plus être contagieuses, du moment que la supériorité des deux systèmes a été seulement mise en question, et que tous les moyens de comparaison existent parmi nous.

Au reste, le point important est obtenu. La grande difficulté, celle qui consistait à construire les machines en France avec autant de précision qu’en Angleterre, cette difficulté dont nos fabricans s’embarrassaient encore l’année dernière avec si peu de raison, n’a pas arrêté long-temps nos constructeurs. Tout le monde a pu se convaincre, en voyant à l’exposition les essais de MM. Schlumberger et Debergue, que notre mécanique est plus avancée qu’on ne le supposait ; car, bien que les machines exposées par ces deux constructeurs ne soient pas, selon nous, du meilleur système, à ne considérer que l’exécution, elles ne sont pas inférieures à leurs modèles. Déjà les choses ont été poussées plus loin dans les ateliers de M. Decoster, où, dès l’année dernière, la précision anglaise a été surpassée. C’est ici que nous devons nous arrêter quelques instans sur les travaux de ce mécanicien distingué, auquel

  1. M. André Koechlin, d’Alsace, qui entreprend aussi la construction des machines, a adopté le système à chaînes.