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GABRIEL.

GABRIELLE.

Et qu’est-ce que je te refuse à présent ?

ASTOLPHE.

Pourtant il est quelque chose que tu vas me refuser si je me hasarde à te le demander.

GABRIELLE.

Ah ! perfide ! tu veux m’entraîner dans un piége ?

ASTOLPHE.

Eh bien ! oui, je le voudrais.

GABRIELLE.

Je t’en supplie, pas de détours avec moi, Astolphe. Quand je te cède, est-ce avec prudence, est-ce avec des restrictions et des garanties ?


ASTOLPHE.

Oh ! je hais les détours, tu le sais. Mon ame était si naïve ! Elle était aussi confiante, aussi découverte que la tienne ; mais, hélas ! j’ai été si coupable ! J’ai appris à douter d’autrui en apprenant à douter de moi-même.

GABRIELLE.

Oublie ce que j’ai oublié, et parle.

ASTOLPHE.

Le moment de retourner à Florence est venu. Consens à n’y point aller. Tu détournes les yeux ? Tu gardes le silence ? Tu me refuses ?

GABRIELLE, avec tristesse.

Non, je cède. Mais à une condition, tu me diras le motif de ta demande.

ASTOLPHE.

C’est me vendre trop cher la grace que tu m’accordes ; ne me demande pas ce que je rougis d’avouer.

GABRIELLE.

Dois-je essayer de deviner ? Astolphe, est-ce toujours le même motif qu’autrefois ? (Astolphe fait un signe de tête affirmatif.) La jalousie ? (Même signe d’Astolphe.) Eh quoi ! encore ! toujours ! Mon Dieu, nous sommes bien malheureux, Astolphe !

ASTOLPHE.

Ah ! ne dis pas cela ! cache-moi les larmes qui roulent dans tes yeux, ne me déchire pas le cœur ! Je sens que je suis un lâche, et pourtant je n’ai pas la force de renoncer à ce que tu m’accordes avec des yeux humides, avec un cœur brisé ! — Pourquoi m’aimes-tu