il s’étonne que je la déteste, et il veut que je l’aime ! (Elle sanglote.)
Ô jalousie de la femme ! soif inextinguible de domination ! Est-il possible que tu viennes mêler ta détestable influence aux sentimens les plus purs et les plus sacrés de la nature ! Je te croyais exclusivement réservée aux vils tourmens des ames lâches et vindicatives. Je t’avais vue régner dans le langage impur des courtisanes, et, dans les ardeurs brutales de la débauche, j’avais lutté moi-même contre des instincts féroces qui me rabaissaient à mes propres yeux. Quelquefois aussi, ô jalousie ! je t’avais vu de loin avilir la dignité du lien conjugal, et mêler à la joie des saintes amours les discordes honteuses, les ridicules querelles qui dégradent également celui qui les suscite et celui qui les supporte. — Mais je n’aurais jamais pensé que dans le sanctuaire auguste de la famille, entre la mère et ses enfans (lien sacré que la Providence semble avoir épuré et ennobli jusque chez la brute), tu osasses venir exercer tes fureurs ! déplorable instinct, funeste besoin de souffrir et de faire souffrir ! est-il possible que je te rencontre jusque dans le sein de ma mère !
Mon fils, la leçon est sévère ! Je ne sais pas jusqu’à quel point il sied à un fils de la donner à sa mère ; mais, de quelque part qu’elle me vienne, je la recevrai comme une épreuve à laquelle Dieu me condamne. Si je l’ai méritée de vous, elle est assez cruelle pour expier tous les torts que vous pouvez avoir à me reprocher. (Elle veut se retirer.)
Pas ainsi, ma mère, ne me quittez pas ainsi. Vous souffrez trop, et moi aussi !
Laissez-moi me retirer dans mon oratoire, Astolphe. J’ai besoin d’être seule, et de demander à Dieu si je dois jouer ici le rôle d’une mère outragée ou celui d’une esclave craintive et repentante. (Elle sort.)
Scène V.
Orgueil ! toute femme est ta victime, tout amour est ta proie !… excepté toi, excepté ton amour, ô ma Gabrielle !… ô ma seule joie, ô le seul être généreux et vraiment grand que j’aie rencontré sur la terre !