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GABRIEL.

BARBE.

Qui le sait ? On ne l’entend jamais parler de ses parens ni de la maison de son père.

FRÈRE CÔME.

D’après ses habitudes, elle semblerait avoir été élevée dans l’opulence. C’est quelque fille de grande maison qui a épousé votre fils en secret contre le gré de ses parens. Peut-être elle sera riche un jour.

SETTIMIA.

C’est ce qu’il voulut me faire croire lorsqu’il m’annonça ses projets, et je n’y ai pas apporté d’obstacle, car la fausseté n’était pas au nombre de ses défauts. Mais je vois bien maintenant que cette aventurière l’a entraîné dans la voie du mensonge, car rien ne vient à l’appui de ce qu’il avait annoncé ; et, quoique je vive depuis longues années retirée du monde, il me paraît très difficile que la société ait assez changé pour qu’une pareille aventure se passe sans faire aucun bruit.

FRÈRE CÔME.

Il m’a semblé souvent qu’elle disait des choses contradictoires. Quand on lui fait des questions, elle se trouble, se coupe dans ses réponses, et finit par s’impatienter, en disant qu’elle n’est pas au tribunal de l’inquisition.

SETTIMIA.

Tout cela finira mal ! J’ai eu du malheur toute ma vie, frère Côme ! Un époux imprudent, fantasque (Dieu veuille avoir pitié de son ame !), et qui m’a été bien funeste. Il avait bien peu de chose à faire pour rester dans les bonnes graces de son père. En flattant un peu son orgueil et ne le contrecarrant pas à tout propos, il eût pu l’engager à payer ses dettes, et à faire quelque chose pour Astolphe. Mais c’était un caractère bouillant et impétueux comme son fils. Il prit à tâche de se fermer la maison paternelle, et nous portons aujourd’hui la peine de sa folie.

FRÈRE CÔME, d’un air cafard et méchant.

Le cas était grave… très grave !…

SETTIMIA.

De quel cas voulez-vous parler ?

FRÈRE CÔME.

Ah ! votre seigneurie doit savoir à quoi s’en tenir. Pour moi, je ne sais que ce qu’on m’en a dit. Je n’avais pas alors l’honneur de confesser votre seigneurie. (Il ricane grossièrement.)