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LETTRES POLITIQUES.

gros bateaux qui naviguent sur l’Indus sont de soixante-quinze tonneaux anglais. Ils sont à fond plat, et les bâtimens à vapeur qu’on destinera à la navigation de l’Indus devront être faits sur ce modèle. Quinze jours suffiraient à un bateau à vapeur pour se rendre de l’embouchure de l’Indus, c’est-à-dire de l’océan indien, à Lahor. On pense qu’il existe des terrains houillers dans les cantons voisins du cours supérieur du fleuve ; mais, dans le cas contraire, le bois, qui est très abondant le long de ses rives, servirait d’aliment combustible. Il en est ainsi dans l’Amérique du Nord, où l’on emploie du charbon de bois pour les bateaux à vapeur. Quant aux ressources que pourrait trouver une armée, les bestiaux et les approvisionnemens de toutes sortes existent en abondance le long des rives de l’Indus. Enfin, pour terminer la nomenclature de toutes ces chances favorables, la population est impatiente de secouer le joug tyrannique des radjas, et d’après une prophétie bien populaire dans ces pays, les Anglais doivent les soumettre un jour à leur domination. Toutes ces notions, recueillies avec une capacité et une persévérance admirables par le lieutenant Burnes, ont été consignées par lui avec le plus grand détail dans ses divers mémoires. D’une autre part, les forces anglaises tiennent déjà les embouchures de l’Indus, et commandent sa navigation par l’occupation des provinces du Cotch, position qui nous donne une certaine sécurité pour cette frontière de l’Inde anglaise. C’est là le beau côté de l’Asie centrale, considérée du point de vue anglais. Je parle de la disposition des fleuves, et de la possibilité de les remonter avec de nombreuses embarcations ; car pour les dispositions des chefs et des peuples, malgré les prophéties, malgré les complimens flatteurs adressés à notre envoyé pour le gouvernement britannique, il existe parmi eux une haine profonde et une crainte sérieuse de la domination anglaise. Ne comptons donc que sur les choses, et réduisons à leur juste valeur les paroles séduisantes de nos voyageurs et nos écrivains. Ce n’est pas la première fois, d’ailleurs, que j’ai lieu d’admirer l’excès de la crédulité, je dirai, si vous voulez, du patriotisme de mes compatriotes. Nous nous aimons tant en général, nous autres Anglais, que nous sommes très disposés à regarder les nations que nous ne connaissons pas comme animées des sentimens que nous éprouvons pour nous-mêmes. C’est ainsi que j’entendais dire, il y a peu de temps, en plein parlement, que toute la population de l’Asie centrale redoute la puissance russe, et cherche à s’appuyer sur l’Angleterre ; et cette pensée était fondée sur ce que l’Asie centrale consomme annuelle-