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du Roi de Thulé, est préférable à celle des tableaux précédens. Comme dans la Marguerite, le lieu de la scène est mal indiqué, et le cadre est décidément beaucoup trop étroit pour les figures ; d’ailleurs, l’attitude du Sauveur exprime admirablement l’abattement de la nature divine enchaînée aux lois de la chair. On peut reprocher à la tête de l’ange la proéminence exagérée du front qui nuit à sa beauté, et aussi un peu de négligence dans le modelé de ses formes. Sans doute une créature céleste ne doit pas être revêtue de muscles comme un athlète, mais il est possible d’éviter la dureté des contours qui dénotent la force physique, et cependant d’accuser la mollesse de ceux qui constituent la grace. Il est juste de dire que le bras du Christ est parfaitement senti sous la draperie qui le recouvre, et que ses mains sont les plus belles qui se puissent voir.

En résumé, M. Scheffer a fait d’immenses progrès, et l’heureux résultat de ses nouvelles études fait voir qu’on peut encore attendre de lui de plus grands efforts. Qu’il nous soit permis de lui conseiller l’étude des coloristes qu’il paraît sentir, mais dont les procédés seulement ne lui sont peut-être pas assez familiers. Son dessin s’est perfectionné. Il compose mieux et plus simplement, ses expressions sont mieux rendues ; pourquoi négligerait-il la couleur qu’il aimait autrefois ? C’est surtout dans les arts qu’abondance de biens ne nuit pas.

Dans la revue des tableaux qui m’ont frappé à l’exposition de 1839, je ne suis aucun ordre, et je jette mes souvenirs sur le papier à mesure qu’ils se présentent. Peut-être eût-il été plus logique de commencer par la critique des tableaux d’histoire, puis de passer au genre, au paysage, aux portraits. En entrant à l’exposition, mon premier soin a été de découvrir les ouvrages des artistes dont la réputation m’était connue, quel que fût leur genre. M. H. Vernet, à qui un talent aussi incontestable que sa prodigieuse fécondité, a donné une renommée populaire en Europe, est un des premiers que j’aie cherchés dans cette immense collection. Trois grands tableaux, nos 2050-51-52, et un petit, no 2053, commandés, je crois pour le musée de Versailles, présentent en quelque sorte une relation complète du siége de Constantine. Ce brillant fait d’armes appartenait de droit au peintre militaire par excellence, et si j’en crois les journaux, M. H. Vernet n’a rien négligé pour se pénétrer de son sujet. Peu de jours après la prise de Constantine, on le voyait dessiner ces murailles encore fumantes et interroger tous les braves qui avaient pris part au combat.

Le premier de ses tableaux représente une sortie de la garnison