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ÉTAT MORAL DE L’AMÉRIQUE DU NORD.

de leur éducation dans les autres établissemens. Cependant on n’a pas tardé à sentir les inconvéniens d’une méthode qui, en partageant l’attention des élèves, les empêchait d’atteindre une certaine perfection, soit dans l’industrie qu’ils cultivaient, soit dans le genre d’études qu’ils avaient choisi, et l’enthousiasme pour les écoles industrielles s’est sensiblement refroidi. Mais les plus heureux résultats ont montré tout le parti qu’on peut tirer des écoles établies dans les fabriques, afin de développer l’instruction de ceux qui travaillent, dans le sens de leurs travaux et de leurs occupations habituelles. De cette manière, on obvie à l’un des plus grands inconvéniens des fabriques, qui est d’accoutumer les ouvriers à une certaine routine mécanique, d’émousser en eux l’attention et la pensée, et de matérialiser en quelque sorte le travail. Par le moyen de ces écoles, la théorie accompagne sans cesse la pratique, et l’ouvrier apprend à connaître la raison de ce qu’il fait. La moralité y gagne aussi considérablement, car rien ne développe aussi facilement le vice que l’oisiveté de l’intelligence. Tout ce qui abrutit l’esprit fortifie le corps dans ce qu’il a de mauvais ; tout ce qui élève celui-là, réprime ou diminue les passions et les instincts matériels de celui-ci. Les fabriques de Lewell, dans l’état de Massachussett, présentent, sous ce rapport, les résultats les plus satisfaisans. 8,000 jeunes filles y sont occupées toute l’année, et il est rare qu’un désordre passager vienne produire un contraste affligeant avec la vie régulière et pieuse de cette population industrielle. C’est que là des écoles ont été fondées pour les filles les plus jeunes, qui peuvent y consacrer à l’étude le quart du temps fixé pour le travail. Les écoles du dimanche, dont l’origine remonte au XVIe siècle, où l’église catholique les établit pour la première fois dans les Pays-Bas, furent introduites, en 1781, aux États-Unis ; et déjà, en 1834, la société des écoles du dimanche, fondée en 1824, entretenait, avec un revenu annuel de 70,000 dollars, 2,154 écoles, où 24,034 maîtres enseignaient 169,448 élèves. Malheureusement les Américains, si zélés pour le développement de l’industrie parmi eux, ont apporté une négligence criminelle dans l’éducation de ces pauvres Indiens, à qui ils ont enlevé peu à peu tous les biens que Dieu leur avait donnés. Le docteur Julius cite avec une noble et sainte indignation l’académie des Chochtaw dans l’état de Kentucky, où 156 jeunes gens sont élevés aux frais de l’Union, qui est censée donner 200 dollars pour chaque élève au propriétaire de l’établissement. Or, une honteuse parcimonie et une incurie plus honteuse encore rendent complètement inutile une institution qui, sagement dirigée, aurait pu produire d’heureux fruits. Cependant la somme que le gouvernement de l’Union consacre à cet objet fait partie de la dette qu’il s’est engagé, par un traité solennel, à payer à plusieurs tribus indiennes. Le propriétaire et l’administrateur de cet établissement, c’est M. Richard Johnson, aujourd’hui vice-président des États-Unis.

La dureté et l’injustice des Américains envers les tribus indiennes et envers les esclaves, voilà tout à la fois et le crime par lequel ils provoquent la colère de Dieu, et la faute d’où résulteront plus tard les plus grands dangers pour l’Union. C’est un triste et affreux spectacle que de voir un peuple si avancé