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Après se voir enfin contraint de s’endormir ;
Après l’horreur d’un songe où son âme en ténèbres
Aurait feint à ses yeux mille images funèbres ;
Viendrait à s’éveiller, et d’un bien sans pareil
Entendrait tout à coup, au lever du soleil,
Mille divers oyseaux faire dessus sa teste,
De mille aimables tons, une douce tempeste,
Serait moins consolé, moins gay, moins en repos
Que ne le fut Lya…

Le sentiment est ici fort poétique et l’expression heureuse. Saint-Amant termine l’histoire de Jacob, et revient au berceau de Moïse.

On prend des petits oiseaux. Description des petits oiseaux. Un vautour attaque le berceau de l’enfant :

Montre ses grands orteils, les ouvre, les estend,
De leur acier crochu l’aigre fureur allonge,
Arme son bec de rage, et sur l’enfant se plonge.

Le poète décrit le combat des bergers contre le vautour. Une pierre vient frapper l’oiseau, et s’amortit sur l’armure de son plumage. « Ainsi, dit-il,

Sous la jeune Bellonne,
Voit-on, lorsque d’un camp la foudre humaine tonne,
Le globe s’amortir contre un flanc gazonné,
Et bruire sourdement après avoir tonné.

N’êtes-vous pas surpris de ce perpétuel bonheur d’expression chez un versificateur si décrié ? Le soir arrive. Vous n’échapperez pas à une description du soir. La princesse d’Égypte, dont Saint-Amant redit longuement les divertissemens solitaires, avant

D’aller jouir de la frescheur des eaux,
Des beautez de la plaine et du chant des oyseaux,

se fait raconter l’histoire de Joseph. Tous ces récits allongent et n’animent guère le prétendu poème épique de notre auteur ; mais, s’il avait pu, il y aurait fait entrer toute la Bible. Il trouve moyen de décrire les agneaux

Broutant à langue torse et le treffle naissant,
Et les tendres rameaux d’un buisson fleurissant ;

Puis les sept épis d’or du songe expliqué par Joseph :

Sept espis beaux et pleins, en rond penchant leurs testes
Comme quand à scier les faucilles sont prestes,