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LES VICTIMES DE BOILEAU.

rable puissance. Boileau ne rend d’ailleurs à Saint-Amant qu’une incomplète justice. Un sentiment vif et profond règne dans toute cette pièce de la Solitude, qui prouve ce dont le poète eût été capable s’il eût écouté son ame et modéré le cours extravagant de ses plaisirs :

Ah ! que j’aime la solitude !
Que ces lieux sacrez à la nuit,
Esloignez du monde et du bruit,
Plaisent à mon inquiétude !
Mon Dieu ! que mes yeux sont contens
De voir ces bois (qui se trouvèrent
À la nativité des temps,
Et que tous les siècles révèrent),
Estre encore aussi beaux et vers
Qu’aux premiers jours de l’univers !
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Un gay zéphyre les caresse
D’un mouvement doux et flatteur !
.............
Que sur cette espine fleurie,
Dont le Printemps est amoureux,
Philomèle, au chant langoureux,
Entretient bien ma rêverie !
Que je prends de plaisir à voir
Ces monts pendans en précipices !
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Que je trouve doux le ravage
De ces fiers torrens vagabonds,
Qui se précipitent par bonds
Dans ce vallon vert et sauvage ;
Puis glissant sous des arbrisseaux,
Ainsi que des serpens sur l’herbe,
Se changent en plaisans ruisseaux !
.............
Que j’ayme ce marais paisible !
Il est tout bordé d’aliziers,
D’aulnes, de saules et d’oziers,
À qui le fer n’est point nuisible :
Les nymphes y cherchent le frais,
S’y viennent fournir de quenouilles,
De pipeaux, de joncs et de glais ;
.............
Que j’ayme à voir la décadence
De ces vieux chasteaux ruinez,