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miroir à la main, peignant ses longs cheveux, et arpentant le terrain de ses vastes bottes évasées :

Est-il aussi quelque objet plus estrange
Que de le voir mandier la louange
De la beauté, des grâces, des appas ?
Que de le voir, mesme dans le repas,
Pour contempler et ses lys, et ses roses,
Faire partout miroir de toutes choses :
Et sans respect ni des roys, ni des dieux,
Insolemment se peigner en tous lieux ?
Que de le voir, dis-je, mettre en usage
La mousche feinte, en son fade visage ?
Que de le voir traisner ses beaux canons,
Ses point-coupez à cent sortes de noms,
Qui, sous l’amas de six rangs d’esguillettes,
Dont les fers d’or brillent comme paillettes,
À cent replis bouffent en s’élevant
Sur le beau cuir apporté du Levant ;
Et pour marcher, font qu’à jambe qui fauche,
Il meut en cercle et la droite et la gauche ?

Un versificateur mérite de n’être pas tout-à-fait oublié quand il a su dessiner aussi nettement et peindre de couleurs aussi vives les costumes de son temps. Plus tard, dit-il, nul ne voudra croire que nous ayons porté

Nos manteaux courts ; nos bottes aux pieds lons,
Aux bouts lunez, aux grotesques talons ;
Nos fins castors, qui, du divers Protée
Semblent avoir l’inconstance empruntée ;
Tantost pointus, tantost hauts, tantost bas ;
Le souple tour de nos souples rabas ;
Nostre façon d’estaler sur les hanches
L’exquise toile, ainsi qu’au bout des manches ;
D’ouvrir en foux, par devant, en hyver,
L’habit qui vient du mouton et du ver,
Pour faire voir, ô molle bagatelle !
Le vain éclat d’une large dentelle
Riche à merveille, et dressée à ravir
(Ce sont les mots dont il faut se servir) ;
Nos sots pourpoints, nos brimbalantes chausses,
Nos beaux rubans que salissent nos sausses ;
Et tout le reste, en ce genre compris,
Flattant les yeux et dupant les esprits.