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préfère passer sous silence, afin d’éviter une trop longue discussion ; mais je ne terminerai pas cette lettre, sans appeler votre attention sur la manière dont votre correspondant exprime ses sympathies pour l’Espagne. Est-il bienséant, je vous le demande, de parler de sympathies, et de ne trouver sous sa plume que des injures pour une nation entière ? Oublie-t-on que s’il était vrai que l’Espagne libérale fut aujourd’hui impuissante, elle le devrait à la guerre de dévastation de l’empire et à l’inique intervention de 1823 ? Et si tous nos malheurs proviennent de ces deux attentats du gouvernement de la France contre notre patrie, est-il de bon goût de nous taxer de l’orgueil le plus niais, si nous ne consentons pas à nous mettre, pour quelque temps, sous la tutelle intelligente d’un pays allié ? Bien entendu que ce pays serait le gouvernement français. Votre correspondant veut détruire chez nous le souvenir des gloires et des malheurs passés, il nous conseille d’oublier le siége de Saragosse et le 2 mai. C’est précisément parce que nous nous rappelons le siége de Saragosse et le 2 mai que nous espérions, en Espagne, voir le gouvernement français disposé à saisir, pour réparer les malheurs de cette époque et en effacer le souvenir, l’occasion offerte par le traité de la quadruple alliance. Il en a été autrement, soit ; mais si rien de grand n’a pu être tenté en faveur de l’Espagne constitutionnelle, les écrivains, qui ne peuvent offrir à l’Espagne que le témoignage public de leurs sympathies, devraient au moins s’abstenir d’un langage aussi blessant ; il ne saurait produire qu’irritation fâcheuse et éloignement plus marqué chaque jour entre deux peuples faits pour s’estimer et s’entr’aider dans la défense des principes au nom desquels ils combattent.

Agréez, etc.
Marliani.


Paris, 27 mai 1839.

V. de Mars.