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REVUE. — CHRONIQUE.

de 6,000 hommes de troupes anglaises, et le projet d’établissement d’un chemin de fer de la capitale de l’Égypte à Suez, aux frais du gouvernement anglais. On sait que chaque nation fait elle-même les frais du transport de ses dépêches en Orient, et cette dernière proposition se trouvait ainsi motivée par l’importance de la correspondance entre l’Angleterre et les provinces voisines de la mer Rouge. Mais le vice-roi pensa, avec raison, qu’une route commerciale aussi solidement établie pourrait devenir une route militaire, et il refusa l’autorisation. L’Angleterre ne s’est pas moins assurée d’une des extrémités de la ligne qu’elle projetait, en s’emparant d’Aden, port admirable, position inexpugnable à l’entrée de la mer Rouge, marché sûr et accessible, dont les Anglais peuvent faire le centre du commerce de l’Afrique et de l’Arabie. L’autre tête de cette ligne est Alexandrie, dont la possession permettrait à l’Angleterre de percer jusqu’à Suez en prenant pour route le Nil, de Rosette au Caire, ou en pratiquant un chemin de fer, comme en même temps d’atteindre l’Euphrate en traversant la Syrie jusqu’à ce Byr où a lieu en ce moment la collision des Turcs et des Égyptiens, et en partant de l’Euphrate, pour étendre ses communications jusqu’à Khareck, dont elle vient également de s’emparer, dans le golfe Persique. Ce n’est donc pas sans raison que nous avons fait observer combien la question d’Orient se trouve compliquée par les vues actuelles de l’Angleterre.

Quelles que soient les nouvelles plus récentes du théâtre des évènemens, elles ne sauraient diminuer le danger qu’offre cette complication nouvelle. Il est évident, d’après la teneur des lettres reçues des deux parties de l’Orient, que ni le sultan ni le pacha ne veulent prendre sur eux la responsabilité de l’initiative d’une guerre, et qu’ils cherchent à se donner réciproquement le caractère d’agresseur. En effet, les lettres de Constantinople du 7 annoncent que l’armée du Kurdistan a quitté, il est vrai, Malatia pour se porter en avant sur Sémirat, ce qui la met à la frontière du pachalik d’Alep et à très peu de distance de Byr ; mais Nouri-Effendi se hâte de déclarer que des raisons hygiéniques ont seules déterminé ce mouvement. Malatia est, il est vrai, une position faible sous le rapport stratégique ; mais Malatia est aussi malsaine, et, avant tout, le grand-seigneur a dû s’occuper de la santé de ses troupes. Sémirat, situé entre les montagnes du Diarbekir et celles de Marrasch, n’offre peut-être pas beaucoup de conditions de salubrité, et si le besoin d’un air plus pur forçait les troupes turques à descendre dans les plaines d’Alep, elles ne pourraient accomplir les prescriptions des médecins de l’armée qu’en livrant une bataille rangée aux soldats d’Ibrahim-Pacha. Les mêmes lettres annoncent la sortie de la flotte ottomane, qui irait s’échelonner dans le Bosphore. Apprendrons-nous plus tard que la santé des équipages exige les eaux de l’Archipel ou de la mer de Candie ?

Les lettres d’Alexandrie de la même date présentent la marche des troupes turques sous un tout autre aspect. La marche de ces troupes est regardée comme un commencement d’hostilités. On annonce qu’elles sont établies sur