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SIDOINE APOLLINAIRE.

Les thermes placés au-devant de la noble demeure communiquaient avec le fleuve ; ils étaient soutenus par de nombreuses colonnes de rouge antique, et leurs toits étaient dorés.

Le château renfermait deux habitations, l’une d’été, l’autre d’hiver, dans des expositions différentes ; chacune d’elles avait ses portiques et ses thermes : dans les thermes de la maison d’été se précipitait par des canaux un cours d’eau descendu des hauteurs.

Dans la maison d’hiver, des tuyaux répandaient partout une douce chaleur ; enfin, la parure des arts ne manquait pas à ces habitations somptueuses des Gallo-Romains. Sidoine mentionne dans celle-ci un tableau de bataille représentant Mithridate aux prises avec Lucullus, et un autre tableau ayant pour sujet ces premières scènes de la Genèse que Michel-Ange a peintes au plafond de la Sixtine, et Raphaël aux voûtes des loges qui portent son nom.

Il y avait des bibliothèques, aussi bien que des fresques et des galeries de tableaux, dans ces villas des grands seigneurs gaulois. Sidoine Apollinaire nous apprend que la bibliothèque de son ami Ferréol, de Nîmes, était divisée en trois parties : l’une composée de livres chrétiens, et destinée aux femmes ; l’autre uniquement de livres profanes, pour les hommes ; enfin, une bibliothèque mixte, composée d’ouvrages sacrés et profanes à l’usage des deux sexes. Dans ces bibliothèques se tenaient des conférences littéraires et quelquefois théologiques ; on y discutait sur Origène, qui n’avait pas encore été condamné par l’église, et dont les opinions religieuses agitaient les esprits cultivés de la Gaule.

Sidoine, qui nous fournit tous ces détails sur la vie matérielle des classes opulentes au Ve siècle, nous fournit aussi de curieux renseignemens sur les études littéraires et philosophiques de ce temps.

Quelque frivoles que fussent alors les lettres, les hommes éminens en tout genre tenaient à honneur de les cultiver, soit qu’ils exerçassent des fonctions au nom des empereurs romains, soit qu’ils fussent attachés aux chefs barbares. Les rois goths eux-mêmes se plaisaient à faire expédier toute leur diplomatie dans le latin le plus fleuri, le plus élégant qui se pouvait trouver. Sidoine, ce personnage éminent qui avait rempli tant de fonctions élevées, nous apprend qu’il prenait un grand plaisir à lire avec un de ses fils, encore adolescent, une pièce de Térence, imitée de Ménandre, et à comparer l’imitation avec l’original.

Quant à la philosophie, il vante Mamert Claudien, dont pourtant le platonisme ne devait pas être d’une grande profondeur, à en juger