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cherche, dit-il, si, par un moyen quelconque, on peut arriver à la faveur… » Il a bientôt arrêté son choix sur deux illustres consulaires qui lui semblent devoir être d’excellens patrons. Chacun avait son mérite particulier : Avienus protégeait tout le monde, mais sans beaucoup de fruit ; Basilius était moins facile et moins prompt à promettre, mais tenait davantage. « Les ayant balancés long-temps, dit Sidoine, je pris le parti moyen, tout en conservant les plus grands égards pour le vieux consulaire dont je visitais fréquemment la maison, de m’attacher de préférence à ceux qui fréquentaient Basilius. »

Il semblerait, par une lettre de Sidoine Apollinaire, qu’il fut pendant un temps préfet de Rome, et chargé en cette qualité de pourvoir à la subsistance des habitans. Il craint que le théâtre ne retentisse des clameurs du peuple affamé. Ce passage prouve deux choses : que le peuple se rassemblait encore au théâtre, et que, lorsqu’il était mécontent, il se permettait de huer ses magistrats.

Sidoine Apollinaire n’était pas homme à refuser un panégyrique. Après avoir fait celui de son beau-père et du successeur de son beau-père, il fit celui d’Anthemius. La nouvelle pièce de vers a le même caractère que les précédentes ; mais Sidoine n’eut pas cette fois la fortune de trouver un homme qui, par son mérite réel, pût relever la fadeur ordinaire du genre. Anthemius arrivait à l’empire par une voie fâcheuse ; il était en quelque sorte imposé ou octroyé par l’empereur d’Orient, dont il avait épousé la fille, de sorte que Sidoine, voulant, selon sa coutume, faire intervenir et parler Rome, est obligé de la mettre dans une attitude inférieure et un peu humiliante vis-à-vis de Constantinople. Il remercie l’empereur Léon, qui a bien voulu permettre aux Romains d’appeler Anthemius au trône ; il fait, en un mot, avec une résignation singulière, les honneurs de l’ancienne Rome à la nouvelle. On sent que Constantinople s’élève à mesure que Rome descend, et il semble, en lisant les vers de Sidoine Apollinaire, qu’on voit de loin surgir cette nouvelle capitale. La reine du monde oriental apparaît déjà aux imaginations de ce temps avec cette magnificence et cette splendeur dont furent frappées les imaginations du moyen-âge. Il y a tels vers de Sidoine, sur la grandeur de Constantinople, sur ses immenses murailles, qui rappellent les expressions que l’étonnement et l’admiration arrachèrent aux croisés latins. Comparez, par exemple, le passage qui commence ainsi :

Porrigis ingentem spatiosis mænibus urbem.

« Tu déploies une ville immense dans tes spacieuses murailles. »