Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/675

Cette page a été validée par deux contributeurs.
671
SIDOINE APOLLINAIRE.

quête, énervés par le climat de l’Afrique et par le luxe romain ; la pâleur blafarde, l’embonpoint maladif que la débauche a donné à ces populations germaniques transportées sous le ciel numide[1].

Pour consoler l’Afrique, et la délivrer des Vandales, Rome lui promet Majorien. Ensuite, le poète prend la parole et retrace avec assez de vigueur la grande expédition contre les Vandales. C’était une pensée supérieure au temps qui la vit naître, c’était la grande politique d’Agathocle et de Scipion, d’aller chercher en Afrique l’ennemi africain. Toute cette expédition de Majorien, pour laquelle il sut très habilement rassembler, sous le drapeau de Rome, une foule de nations barbares, étonnées de marcher ensemble, est racontée par Sidoine Apollinaire avec une foule de détails précieux pour l’histoire ; Gibbon s’en est beaucoup servi. Ce panégyrique se termine encore par des promesses de succès et d’avenir glorieux ; mais, bien que Majorien eût mieux mérité qu’Avitus de les voir accomplies, elles ne le furent point, et moins d’un an après avoir entendu à Lyon le panégyrique d’Avitus, Majorien mourait assassiné.

Ce qui peut surprendre, c’est que Sévère, qui succéda à Majorien, ait passé sans recevoir l’hommage du constant panégyriste. Il s’abstint cette fois, mais il devait prendre sa revanche. Après un silence de dix ans, le successeur de Sévère, Anthemius, fit venir Sidoine à Rome, où il prononça le panégyrique de ce troisième empereur.

Sidoine fait le voyage de Rome en touriste, en scholar, mentionnant avec soin tous les souvenirs poétiques ou historiques qu’il rencontre sur son chemin. Il cite Virgile à propos de Mantoue ; Rimini lui rappelle la révolte de César, et Fano la mort d’Asdrubal.

À Rome, l’ambition l’a bientôt distrait de son rôle de voyageur scientifique et littéraire. Il ne parle pas du pape ; le monde ecclésiastique est fort étranger à Sidoine. Ce qui l’occupe à Rome, c’est l’empereur, c’est la cour. Il écrit à un ami pour lui reprocher de manquer d’ambition, de s’endormir au sein de l’oisiveté, dans sa terre, au lieu de venir à Rome courir la carrière des honneurs. On sent que Sidoine est très pénétré de ce qu’il dit, et très à l’abri pour son compte de cette insouciance des grandeurs, qu’il blâme dans son ami. Quelques lettres font parfaitement assister au jeu des intrigues qui s’agitaient autour du pouvoir éphémère des empereurs.

À peine arrivé à Rome, il commence par sonder le terrain. « Je

  1. Ipsis et color exsanguis, quem crapula vexat
    Et pallens pinguedo tenet
    .