Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/674

Cette page a été validée par deux contributeurs.
670
REVUE DES DEUX MONDES.

un ancien ordre de choses, nous avons porté le poids de cette ombre de l’empire.

Portavimus umbram
Imperii

Contens de subir les vices de la vieille race romaine, et souffrant, par habitude plutôt que par raison, cette engeance accoutumée à revêtir la pourpre. »

Il y a dans ces paroles du mépris pour une puissance tombée à laquelle on rougit d’avoir été soumis, et de la colère contre un joug qu’on est las de porter ; c’est un cri de fierté ou de vanité provinciale contre la suprématie du Capitole.

Enfin, Avitus est nommé empereur par acclamation ; Jupiter termine son récit en promettant à Rome une nouvelle jeunesse sous le long et glorieux règne d’Avitus. Mais malgré ce qu’en pouvaient dire Jupiter et Sidoine, un an ne s’était pas écoulé qu’Avitus était déjà tombé. Sidoine, qui paraît avoir pris les armes pour défendre la cause de son beau-père, avait été vaincu, et, ce qui est fâcheux, deux ans après, le gendre d’Avitus était à Lyon, faisant encore un panégyrique, mais, cette fois, pour l’empereur qui avait remplacé et peut-être fait tuer Avitus, pour l’empereur Majorien. Sidoine Apollinaire sent l’embarras de sa situation ; il s’en tire en se comparant à Virgile qui a chanté Auguste, à Horace qui, après avoir suivi Brutus et Cassius, a passé du côté d’Octave. D’abord il ne choisit pas dans la vie de ses modèles, surtout dans celle du dernier, ce qui leur fait le plus d’honneur ; de plus, Horace n’était pas le gendre de Brutus. Ce qui excuse un peu Sidoine Apollinaire, c’est que Majorien était véritablement digne de ses éloges.

Ce panégyrique est dans le goût allégorique et mythologique du précédent. Rome, personnifiée, est assise sur son trône ; tous les peuples de l’univers, toutes les provinces viennent déposer leur hommage et les produits des diverses contrées au pied de la ville-déesse. L’Afrique arrive à son tour ; elle brise sur sa tête les épis qui la couronnent, ces épis dont la fécondité funeste a tenté les barbares. Énumérant tous les lieux communs de l’ancienne gloire des Romains, elle implore le secours de Rome contre les Vandales. Sidoine place assez adroitement l’éloge de Majorien dans une bouche ennemie, dans celle de la femme d’Aetius, qui cherche à exciter la jalousie de son époux contre le futur empereur. Sur cette mer d’adulations surnagent çà et là quelques traits qui peignent vivement les Vandales après la con-