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GOETHE.

intérieurs de Faust, de cette ame insatiable que le pressentiment de la beauté pure et régulière possède désormais.



homunuclus, ravi.

Ô spectacle ! ô merveille ! harmonieuse cour !
Sous des arbres touffus, loin des ardeurs du jour,
Une eau limpide. — Au bord, dénouant leurs ceintures,
Des femmes, des beautés, — charmantes créatures !
Une entre elles, — fort bien, toujours de mieux en mieux, —
Porte plus haut son front tout couronné de grace ;
Une femme du sang des héros et des dieux !
Elle pose son pied sur l’humide surface,
Et de son noble corps le sacré feu vital
Se rafraîchit dans l’eau flexible du cristal.
Mais, silence ! Écoutez, quel bruit d’ailes émues !
Quel battement subit au sein du frais miroir !
Quelle étrange rumeur ? — Les vierges, demi-nues,
S’échappent au hasard sous les branches touffues.
La reine reste seule, et se penche pour voir
Avec l’œil d’une femme, un œil calme et superbe,
Le beau cygne royal qui palpite dans l’herbe.
Il s’approche à la fois mélancolique et doux,
Il flatte, il s’insinue, il rampe à ses genoux,

    « De même, ce qui est un secret pour les hommes naturels, ne l’est pas pour les esprits des forêts et les nymphes. Les énigmes que l’humanité ne peut résoudre, se révèlent à eux de toute éternité. Lorsque les homuncules sont parvenus à leur virilité, ils engendrent les mandragores et toute sorte de démons semblables, qui deviennent, dans certaines entreprises, des auxiliaires puissans et des instrumens indispensables, triomphent de leurs ennemis, et savent à fond des choses que l’homme ignorerait toujours sans eux. C’est de l’art seul qu’ils reçoivent la vie, le corps, la chair, le sang. Aussi l’art est inné, incorporé en eux ; ils ne l’apprennent de personne ; ils sont enfans de la nature, comme les roses et les fleurs. » On remarquera facilement que l’art dont parle ici Théophraste n’est autre chose que la contemplation profonde de la nature, l’alchimie.

    Dans le poème de Goethe, Homunculus a la science innée, infuse. À peine au monde, il aspire déjà vers la réalité, la forme, et cherche son chemin à travers le naturalisme de l’antiquité. Esprit de feu, il entre dans le cercle des élémens ; phosphore, il se marie à l’eau. Ce n’est pas que ce petit être n’ait aussi son côté satirique. La nature ne livre pas ses secrets aux froides spéculations de la science, et les efforts qu’on tente sur elle n’aboutissent qu’à l’avortement. Nous avons vu, dans la première partie, Faust se convaincre de cette vérité fatale. Or, maintenant voilà que Wagner, cette ombre ridicule d’un si grand corps, ce Leporello du don Juan de la pensée, s’est mis en tête de continuer l’œuvre du docteur. Quelle fin donner aux tentatives d’un cerveau si vulgaire ? Les chemins qui ont conduit Faust au désespoir mènent Wagner à la quiétude. Le sot croit avoir réussi à merveille, et ne demande plus rien, dès qu’il voit ses travaux de trente ans se résumer dans Homunculus, un pygmée, une petite lumière tremblottante dans une fiole de cristal. Risible apparition ! Homunculus, c’est l’ironie de Goethe qui voltige et qui plane au-dessus de son œuvre.