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que le bien seul donne aux choses. Aussi ce n’est que par contrainte qu’à la fin de la première partie il obéit au terrible : Her zu mir ! de Méphistophélès. Le démon n’a gagné son pari en aucune manière, pas plus vis-à-vis du poète que de l’homme.

À la fin de la première partie, nous avons laissé Faust dans les angoisses d’une lutte qui ne pouvait se prolonger, et voici que nous le retrouvons au sein de la plus féconde nature, étendu sur l’herbe nouvelle, entouré de sylphes qui chantent, de ruisseaux qui murmurent. Les génies de l’air, les cascades, l’arc-en-ciel, quelle compagnie que celle-là pour une ame marquée partout des empreintes fatales de la réalité ! La baguette d’or de la fantaisie a frappé la source ; des eaux vives et bruyantes jaillissent par torrens. L’esprit s’enivre de lumière, de parfum et d’amour. Sa joie est d’autant plus franche et plus sereine, que son abattement et sa tristesse étaient plus mornes. En sortant de cette prison humide, froide et sombre, où vient de mourir Marguerite, on se sent frémir d’aise au grand soleil dont l’explosion rappelle Faust à l’existence. Le contraste est admirable ; en poésie comme en musique, les effets les plus simples et les plus grands sont dans les contrastes ; et qui jamais a mieux compris cet art que Goethe et Weber ? Je cite ici ces deux noms à dessein, parce qu’ils se conviennent à merveille. La musique de Weber affectionne les contrastes, de même que la poésie de Goethe ; en certains endroits, Freyschütz et Faust sont des œuvres de même nature ; plus on les examine, plus on découvre en elles de mystérieux rapports. Il y a dans la partition des motifs qui semblent écrits tout exprès pour le drame ; un vers éveille une mélodie ; et l’esprit qui reçoit rarement les impressions telles que le poète les lui donne, qui, soit caprice, soit confiance, se plaît à les modifier à sa manière, l’esprit confond ensemble les deux élémens, et se compose une comédie de poésie et de musique, d’autant plus curieuse qu’il en jouit tout seul. On dira, je le sais, que les rapports nombreux qui peuvent exister entre les deux chefs-d’œuvre viennent de l’idée première, qui, au fond, est la même, autant toutefois que les conditions respectives des deux arts le permettent. De part et d’autre, il s’agit de fatalité combattue avec l’aide des puissances surnaturelles. Franchement, est-ce là un motif pour que le musicien et le poète recherchent de préférence certaines combinaisons qu’ils mettent en usage dans les moindres détails ? Deux génies, s’ils n’ont apporté en naissant une parenté divine, auront beau se rencontrer sur le même sujet, ne croyez pas que leurs œuvres jamais se ressemblent. Le sujet