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d’hui la jeune génération sent mieux sa dignité, et parmi les trente Valaques environ qui suivent les cours de l’université de Paris, on en pourrait citer plusieurs qui seront bientôt utiles à leur pays. Je dois dire aussi que plusieurs boyards ont ouvert des écoles dans leurs propriétés, et que M. Campignano, l’un des plus nobles caractères de la Valachie, a fondé un établissement qui, dirigé par un Français, peut servir de modèle aux autres du même genre.

Pour finir cette exposition de l’état des personnes et des institutions en Valachie, j’ajouterai deux mots sur l’organisation militaire. Les traités fixent à cinq mille hommes le maximum des troupes que doit entretenir la Valachie ; quels qu’aient été les motifs de cette disposition, on ne peut qu’y applaudir. Il n’est si petit prince, qui n’ait la manie de faire parader ses sujets, et les revenus d’un état sont gaspillés à satisfaire l’humeur belliqueuse du souverain. Les troupes valaques se composent d’une brigade d’infanterie et d’un régiment de cavalerie. La durée du service du soldat est de six ans pendant lesquels sa famille est franche d’impôts. On tâche de se servir du recrutement comme d’un moyen de répandre les lumières dans les masses, mais jusqu’à présent le rapport des soldats qui savent lire à ceux qui en sont incapables n’est que de un à quarante. — Une institution qui se rattache indirectement à l’armée est celle des quarantaines ; on doit y voir moins encore un but sanitaire qu’un but politique. Les Russes ont voulu séparer les principautés aussi complètement que possible de la Turquie ; la quarantaine du Pruth une fois levée, et elle est tellement réduite, qu’on peut regarder sa suppression comme arrêtée, la Moldavie se trouvera en quelque sorte comme incorporée à l’empire russe ; le cordon valaque est gardé par deux cent dix-sept postes composés chacun de deux soldats et de six paysans ; les derniers sont requis à tour de rôle dans toute la population riveraine qui acquiert ainsi l’habitude du service militaire.

On vient de voir quelles sont les innovations introduites en Valachie par les Russes. Il ne m’appartient pas d’examiner si le maintien de quelques articles des derniers traités ne soumet point de fait les principautés à la tutelle trop absolue de Saint-Pétersbourg ; j’envisage seulement ici la question sociale, et je dois reconnaître que la Russie, 1o a soustrait les deux provinces à l’oppression brutale des sultans ; 2o qu’elle leur a donné des institutions qui, à part sans doute des imperfections de détail, sont bien supérieures à celles qui