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l’attention. On ne saurait bien comprendre l’organisation des principautés, telle qu’elle existe aujourd’hui, sans avoir quelques notions sur les évènemens qui l’ont précédée.

Vers la fin du xviiie siècle, la Valachie avait atteint le dernier période de l’épuisement. L’Allemagne occupait alors l’Autriche ; l’Angleterre et la France jouissaient, en Turquie, des priviléges commerciaux les plus étendus ; la Russie seule était disposée à la guerre. L’ambitieuse Catherine pensait au rétablissement de l’empire grec ; et comme son intérêt l’invitait à prendre en main la cause des peuples, elle leur parla de leurs droits et de leur antique liberté. Cet appel fut entendu, les hostilités commencèrent, et la Valachie fournit à l’armée russe des vivres et des hommes. Le 21 juillet 1774, le traité de Kutchuk-Kainardji termina la guerre, et les dispositions dont voici la substance furent insérées dans l’article 16 de cette convention.

1o  L’empire russe restitue à la Sublime-Porte la Valachie et la Moldavie, et le sultan les reçoit aux conditions suivantes, qu’il promet d’observer fidèlement :

2o  Amnistie complète sera accordée à tous les sujets valaques qui ont agi contre les intérêts de la Turquie ;

3o  On n’opposera plus la moindre entrave à l’exercice de la religion chrétienne ;

4o  Les monastères recouvreront toutes les terres qui leur ont été enlevées, contre toute justice, depuis 1739, et le clergé sera respecté ;

5o  La Porte accordera aux familles qui voudront émigrer la faculté de le faire facilement et d’emporter leurs biens avec elles ;

6o  Elle n’exigera aucun impôt pour la guerre, ni même pendant deux années, à compter de l’échange du présent traité ;

7o  La Sublime-Porte enfin permet à sa majesté l’impératrice d’établir des consuls en Moldavie et en Valachie ; elle permet en outre, aux ministres russes accrédités auprès d’elle, de lui faire des représentations en faveur de ces deux pays.

La Russie se posa dès-lors en protectrice zélée de la Valachie ; les ressources qu’elle avait tirées de cette province pendant la guerre lui avaient démontré que, sans sa coopération, elle ne pouvait point entreprendre une campagne de longue durée. La Valachie, de son côté, vit dans l’alliance russe un contre-poids à la tyrannie turque ; elle se confia donc sans réserve aux promesses intéressées qui lui étaient faites. La religion vint en aide à la politique ; les évêques comparèrent la czarine aux saintes femmes des Écritures, et ses favoris, Potemkin et Romanzow, devinrent des Machabées envoyés de Dieu