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LA VALACHIE.

mauvaises passions des hommes. C’est dire assez que l’histoire de la Valachie et de la Moldavie, remplie de drames sanglans, est dépourvue de tout intérêt philosophique. Elle est d’ailleurs mêlée, comme accessoire, au récit des graves évènemens qui se sont passés en Russie, en Autriche et en Turquie ; aussi ne fait-elle que rarement l’objet d’une étude particulière.

Chacun sait que le pays aujourd’hui connu sous le nom de Valachie faisait partie de l’ancienne Dacie, qui, après la mort de Décébale, fut incorporée à l’empire romain. Les soldats de Trajan reçurent en partage les terres qu’ils avaient conquises, et formèrent bientôt une colonie puissante. Cette première occupation ne dura qu’un siècle et demi ; mais elle a laissé des traces profondes. Sur les bords du Danube, et même sur les flancs escarpés des Karpathes, on rencontre des vestiges de voies militaires ; une de ces routes aboutissait à Bender. Des médailles, des tombeaux, des meubles, ont été découverts récemment dans les fouilles opérées sous la surveillance de M. Michel Ghika, frère de l’hospodar. Les voitures des paysans ont conservé la forme élégante des chars antiques. Je ne parlerai pas de la législation civile, qui cependant est empruntée aux compilations de Justinien et aux Basiliques, parce que, malgré l’opinion de plusieurs écrivains, je pense que ces corps de lois n’ont été introduits en Valachie que par les princes phanariotes ; mais la preuve irrécusable de l’influence de la conquête romaine, cette preuve que quinze siècles n’ont pu effacer, c’est la langue valaque, qui, douce et harmonieuse comme l’italien, tire, ainsi que cette dernière langue, son origine du latin. N’est-il pas étrange de trouver dans une contrée si lointaine une petite nation qui, pour ainsi dire, égarée au milieu des Slaves et des Musulmans, n’a cependant adopté qu’un nombre assez borné de mots des idiomes de ces peuples ; une colonie romaine qui a conservé son cachet, deux millions d’hommes, enfans perdus de la famille dont, avec les Espagnols et les Italiens, nous sommes les membres plus heureux ?

Nous ne retracerons pas ici le tableau des guerres qui ont agité la Valachie depuis l’occupation romaine. Ce sujet a déjà été traité dans la Revue, et nous ne pouvons mieux faire que d’y renvoyer le lecteur[1]. Mais avant de passer à l’examen de l’état actuel des provinces valaques, nous croyons nécessaire de remonter à la fin du dernier siècle, époque où la marche envahissante de la Russie mérite de fixer

  1. Voyez, dans la Revue des Deux Mondes, du 15 janvier 1837, la Moldavie et la Valachie.