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DE L’IRLANDE.

ture irlandaise à Londres affecta donc des intérêts individuels plus que des intérêts nationaux ; et pour qui embrasse l’avenir avec le passé, il devient évident par les faits consommés, aussi bien que par ceux qui se préparent, que l’union, nonobstant laquelle s’est opérée l’émancipation irlandaise, hâtera beaucoup en Angleterre le mouvement démocratique qui emporte le pays vers des destinées nouvelles ; il est manifeste, en un mot, que les résultats de cette mesure ont été beaucoup moins importans pour l’Irlande qu’ils ne le seront un jour pour la Grande-Bretagne.

Les promesses prodiguées par M. Pitt pour obtenir le vote d’union adoucirent des regrets qui tenaient bien moins aux sympathies plus qu’équivoques de l’Irlande pour son propre parlement, qu’à sa haine contre l’Angleterre ; observation d’un grand poids pour l’appréciation et l’intelligence de ce qui se passe en ce moment, où l’on croit pouvoir faire du rapport de l’union un mot d’ordre national et un moyen d’agitation politique.

En permettant que des espérances d’émancipation prochaine circulassent alors sous son nom, M. Pitt était sincère, on doit le croire, et l’histoire n’a pas à faire peser sur sa politique d’odieux soupçons de duplicité. Les invincibles résistances du vieux monarque arrêtèrent seules son ministre, et les évènemens qui se précipitaient prévalurent contre des assurances que ce pays, sous le coup de sa défaite, n’était pas en mesure d’appuyer encore par des démonstrations imposantes.

L’Irlande ne cessa pas cependant, même au plus fort de la crise européenne, de réclamer la liberté politique et religieuse pour prix du sang qu’elle prodiguait sur toutes les mers et sur tous les champs de bataille, en maintenant avec loyauté l’honneur britannique ; mais les ressources extraordinaires créées par l’état de guerre au profit de sa population malheureuse, les encouragemens abondans prodigués à son agriculture, continrent pendant quelque temps des idées auxquelles la paix allait bientôt donner un plus rapide essor.

Chaque année, le parti catholique essayait de se constituer, soit en formant dans la capitale un comité central, soit en provoquant des meetings dans les provinces. Au mois de mai 1809, dans l’exhibition-room à Dublin, des résolutions furent arrêtées, empreintes d’une prévoyance qui ne les avait pas caractérisées jusqu’alors, en même temps qu’exprimées avec une audace de paroles que les catholiques semblaient avoir oubliée. Dans cette nombreuse et bruyante réunion, il s’agissait d’établir un comité général pour la