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DE L’IRLANDE.

giste, à des concessions graduelles. Adoptant un système qu’elle s’est trouvée depuis dans le cas d’appliquer d’une manière plus étendue, elle n’hésita pas à céder à la prudence ce qu’elle avait si long-temps refusé à la justice. Des actes successifs concédèrent aux catholiques le droit de prêter de l’argent sur hypothèque, celui de prendre des terres à long bail, avec la faculté plus précieuse de posséder des propriétés territoriales, sans craindre que l’apostasie d’un fils ne vînt les arracher à son père. La formule du serment d’allégeance fut, après deux siècles de tyrannie exercée sur la conscience humaine, rendue compatible avec leur foi religieuse, et l’accès leur fut ouvert vers certaines professions civiles dont ils avaient été repoussés jusqu’alors.

Pendant que ces redressemens partiels étaient accordés à la portion opprimée du peuple irlandais, le pays obtenait des conquêtes plus générales, et celles-ci ne pouvaient laisser aucun doute sur la nationalité du mouvement auquel cédait alors l’Angleterre, conduite par une administration habile. L’entière indépendance de sa législature se trouva proclamée, et le célèbre statut de Drogheda, qui, ainsi qu’on l’a vu dans la première partie de ce travail, consacrait la subordination du parlement de Dublin à celui de la Grande-Bretagne, et, si l’on peut le dire, la minorité éternelle de l’Irlande, fut rapporté après trois siècles.

Comment n’en aurait-il pas été ainsi ? La révolution d’Amérique n’apportait-elle pas d’au-delà des mers de redoutables enseignemens aux rois et aux nations ? L’Irlande ne pouvait rester esclave le jour où, sur un immense continent, une population inférieure à la sienne humiliait l’orgueil de l’Angleterre, et lui dictait des conditions de paix. L’exemple avait été contagieux, et les modernes idées républicaines vinrent prêter force aux antipathies religieuses et aux longs ressouvenirs du passé. Au sein de la partie protestante de l’Irlande, un corps redoutable, celui des volontaires, se forma, et, dans plusieurs comtés, il en vint bientôt à présenter ses pétitions à la pointe de ses baïonnettes. Pendant que le nord du royaume, soumis aux influences presbytériennes, s’engageait dans les voies républicaines, la population catholique s’organisait de son côté ; et afin de donner quelque ensemble à ces influences isolées, on s’efforça de former une nouvelle association sur des bases plus larges et dans des intérêts plus nationaux.

On était loin cependant du jour où une telle union deviendrait intime ; il fallait encore plus d’une épreuve avant de rallier autour