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seillé. Il dicta la proclamation de Cambrai, qui avouait les fautes de 1814 et promettait de les réparer. Il inspira l’ordonnance datée du même jour et du même lieu, qui était un commentaire plus libéral de la charte, abaissait l’âge de la députation de quarante à vingt-cinq ans, augmentait le nombre des députés de deux cent soixante-deux à trois cent quatre-vingt-quinze, permettait l’initiative des lois aux chambres, admettait les légionnaires dans les colléges électoraux, fixait l’âge des électeurs à vingt-un ans, et ne confiait plus la direction des intérêts nouveaux aux générations anciennes. Ces révisions de la charte, tout avantageuses qu’elles fussent, n’étaient point un coup d’état libéral, et devaient être soumises au pouvoir législatif. En même temps qu’il constituait plus démocratiquement la chambre élective, il demanda l’hérédité de la pairie pour mieux assurer son indépendance, et à composer un cabinet dont il fût le président.

Mais ce retour aux idées de la révolution dura peu. À peine Louis XVIII fut-il de nouveau assis sur son trône, que les emportemens du parti de l’émigration éclatèrent et que les étrangers notifièrent leurs exigences. Ces derniers, après avoir dépouillé notre musée, demandèrent, par une note du 20 septembre, que les territoires cédés à la France, en 1814, lui fussent repris ; que le roi des Pays-Bas rentrât en possession des districts qui avaient anciennement appartenu à la Belgique ; que le roi de Sardaigne occupât la totalité de la Savoie ; que les places de Condé, de Philippeville, de Marienbourg, de Givet, de Charleroi, de Sarrelouis, de Landau, fussent comprises dans les cessions demandées à la France ; que les fortifications d’Huningue fussent démolies ; que la France payât une contribution de huit cent millions, dont deux cents devaient être consacrés à la construction de nouvelles places fortes dans les pays limitrophes de ses frontières ; qu’elle indemnisât en outre, par une somme de sept cent trente-cinq millions, les pertes qui avaient été causées par ses propres invasions en Europe ; enfin qu’une armée de cent cinquante mille hommes, commandée par un général étranger et entretenue aux frais de la France, occupât pendant sept ans la partie septentrionale de son territoire.

M. de Talleyrand repoussa ces propositions accablantes et humiliantes, qui n’étaient qu’un indigne abus de la force, qu’une violation éclatante des promesses faites et des engagemens pris, qu’un acte d’oppression envers la France, qu’un acte de colère et d’imprévoyance de l’Europe. Dans sa note du 21 septembre, il établit qu’on ne pouvait imposer de pareilles conditions qu’en vertu du droit de conquête,