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ment pourvu aux besoins publics ; mais il alla plus loin, et, par un expédient hardi, aussi conforme à l’esprit de la révolution qu’aux principes de la science économique, il mit deux milliards à la disposition du trésor.

On voit que je veux parler de la célèbre motion par laquelle M. de Talleyrand provoqua la vente des propriétés ecclésiastiques. Il s’attacha à prouver que ces biens étaient une propriété nationale, qu’ils avaient été donnés, non dans l’intérêt des personnes, mais pour le service des fonctions, et que l’état pouvait en disposer, s’il assurait l’exercice du culte et le traitement des ecclésiastiques. Il proposa en même temps d’améliorer le sort du clergé inférieur. L’assemblée adopta sa motion, mais ne suivit pas le plan équitable et habile qu’il indiqua pour acquitter l’état envers ses créanciers. Cette masse de propriétés servit, malgré lui, d’hypothèque à une masse équivalente d’assignats dont le cours fut forcé, et dont il prédit l’histoire avec une savante précision. Aussi qu’arriva-t-il ? Cette grande opération retarda la ruine des finances sans l’empêcher. Mais, la crise passée, elle eut pour effet d’augmenter la richesse en déplaçant et en divisant une propriété jusque-là frappée de main-morte ; de détruire le régime particulier du clergé comme corps en changeant les revenus de ses biens en traitemens pour ses fonctions, et en le faisant rentrer dans l’état par le budget.

M. de Talleyrand n’offrit pas les biens de son ordre en holocauste aux besoins publics sans encourir son animadversion. Mais cet acte, l’un des plus radicaux qui aient été accomplis à cette époque, ne fut pas le dernier témoignage de son concours à la révolution. Ce fut sur la proposition de M. de Talleyrand que l’assemblée constituante fixa le 14 juillet, anniversaire de la prise de la Bastille et berceau de la liberté publique, pour rassembler à Paris, dans une patriotique fédération, les députés de la France entière. Ce jour solennel, l’évêque le plus dévoué à la cause populaire célébra le grand accord qui devait unir la nation nouvelle et le pouvoir nouveau sous la même loi, par le même serment. À la vue de trois cent mille spectateurs enivrés d’enthousiasme, au milieu des fédérés de tous les départemens animés des mêmes désirs que Paris, en présence de la famille royale et de l’assemblée nationale un moment confondues dans les mêmes sentimens, il monta sur l’autel élevé dans le Champ-de-Mars pour inaugurer en quelque sorte les destinées futures de la France.

Après avoir consacré la révolution à laquelle il avait offert un système d’éducation publique et rendu la disposition d’une partie jus-