Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/444

Cette page a été validée par deux contributeurs.
440
REVUE DES DEUX MONDES.

mais simple justice aux efforts de Mengs, de Batoni ; il caractérise brièvement le genre de mérite d’Angélique Kauffmann ; il revendique pour l’Italie l’inspiration et les préceptes auxquels nous devons notre illustre Joseph Vernet, cette protestation vivante contre le goût d’un siècle aveuglé ; il parle de Louis David avec admiration, et place à ses côtés deux génies fort divers dont l’école lombarde s’enrichit à la fin du dernier siècle : Appiani, célèbre surtout par ses compositions grandioses en clair-obscur, et Bossi, « qui portait, comme Mengs, une grande philosophie dans l’exercice de l’art, mais qui était privé du don de sentir ou d’imiter le coloris de la nature. » Là, placé sur le seuil d’une nouvelle réforme et d’une nouvelle méthode, parvenu aux artistes nos contemporains, l’auteur s’arrête, après avoir parcouru, sans trahir la moindre fatigue, l’espace de cinq siècles entiers, entre lesquels il en est un que, pour l’histoire de l’art, on pourrait appeler à lui seul tout un monde.

M. Rosini a divisé son travail en quatre parties qui correspondent aux quatre grandes époques entre lesquelles il partage l’histoire de la peinture italienne : son origine, de Giotto à Masaccio ; ses progrès, de Filippo Lippi à Raphaël ; sa décadence, de Jules Romain à Barrocio ; sa renaissance dans l’école des Carraches, et les temps modernes jusqu’à Appiani. Chacune de ces parties aura deux volumes, excepté la première, qui se trouvera resserrée dans un seul. Des gravures au trait serviront d’illustrations à chaque époque. Leur nombre total doit s’élever à cent cinquante-quatre, sans compter seize à vingt de petites dimensions, qui seront unies au texte des volumes. Nous avons sous les yeux plusieurs de ces gravures, qui ont été confiées aux artistes les plus habiles de l’Italie, et dont l’exécution répond au soin judicieux qui a présidé au choix des sujets. Peu d’entreprises méritent à un égal degré la sympathie active du public éclairé de tous les pays. Sans vouloir adopter les prétentions exclusives de la Toscane à la gloire d’avoir rallumé dans l’Europe le flambeau des arts, aucune nation ne disconvient aujourd’hui des obligations immenses que, dans cette branche magnifique de notre civilisation, le Nord et l’Occident doivent à l’Italie. La langue de Michel-Ange et de Salvator Rosa est plus qu’aucune autre consacrée aux arts : elle possède, pour en rendre les leçons intelligibles, la description brillante, des ressources qu’on chercherait en vain ailleurs ; et la connaissance de l’idiome toscan est maintenant si généralement répandue, surtout en France, que la popularité de l’ouvrage dont nous venons de parler ne saurait, au nord des Alpes, rien perdre au vêtement méridional sous lequel il se présente parmi nous.

M. Rosini a dédié son histoire de la peinture au roi des Français. Nous nous réjouissons de cet hommage rendu par un étranger au monarque qui a restauré Fontainebleau et créé Versailles. À toutes les époques, l’art italien a trouvé sur le trône de France des protecteurs éclairés ; nous aimons à voir cette tradition glorieuse se continuer.


V. de Mars.