Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/443

Cette page a été validée par deux contributeurs.
439
REVUE. — CHRONIQUE.

de ses limites, les missionnaires d’un art parvenu désormais à sa perfection. Perino del Vaga s’établit à Gênes, Polidore de Caravage à Naples, Peruzzi à Sienne, Garofalo à Ferrare, Jules Romain à Mantoue ; Séville et Valence deviennent, sous l’influence de cette même école, le double berceau de la peinture espagnole, dont les grandes destinées ne devaient commencer qu’au siècle suivant. Gaudenzio Ferrari à Milan, Razzi (le Soddoma) à Sienne, prolongent les clartés de cette journée incomparable dans les fastes de l’art. Mais enfin elle touche à son terme ; et la hache de l’écrivain devient pénible quand il est forcé de suivre dans ses rapides progrès cette décadence générale et pourtant variée, chaque école ayant décliné par l’abus des qualités auxquelles elle avait dû son éclat.

Venise céda la dernière ; et quels noms n’a-t-elle pas à citer, quand déjà la gloire des autres siéges de l’art était presque éclipsée ! Pordenone, Tintoret, Palma, Paul Véronèse ! La décadence même de Rome fut illustrée par les défauts presque aussi séduisans que de véritables beautés, les défauts gracieux et spirituels du Barrocio ; en même temps, à Florence, Allori conserva, dans la mauvaise voie où toute son école était entrée, des qualités éminentes qui rachètent ses nombreuses erreurs.

L’âge suivant assista dans Bologne au grand travail de réformation commencée par Lodovico Carracci. L’art s’était perdu par l’abus de la science et par la substitution des formes conventionnelles aux enseignemens de la nature ; il se releva par la profondeur des études et la comparaison des chefs-d’œuvre : l’inspiration lui revint par des voies plus doctes, mais détournées. Bologne eut son école de géans. Guido, Zampieri (Dominiquin), Annibal et Augustin Carracci rendirent à l’Italie, je ne dirai pas le midi, mais au moins le soir brillant et doré de cette grande journée des arts, dont l’extinction des traditions raphaélesques semblait avoir annoncé la nuit. Michel-Ange de Caravage, avec des défauts violens et des qualités énergiques, s’ouvre une autre route, dans laquelle il est égalé par Ribera. Poussin vient à Rome s’échauffer au flambeau de la peinture ranimée. Lodovico Cardi (le Cigoli) et l’Empoli, aidés du plus jeune des Allori, rendent à Florence la vérité du dessin, la dignité du style, le naturel des poses et du coloris. Cependant le temps recommence à marcher : nouvelle décadence, mais adoucie, retardée, voilée en quelque sorte par les travaux à peu près simultanés du fécond Lanfranco, du correct Pesarese, du studieux Cignani, de Schedone, qui touche de plus près au Corrége par la grace de son pinceau, du hardi et vigoureux Strozzi (le Cappuccino Genovese), de l’abondant Pietro da Cortona, de Salvator enfin, également poète dans ses tableaux et peintre dans sa poésie, Salvator, à qui ses compositions historiques, très rares et mal connues, devraient valoir le nom du Lucain de la peinture moderne.

Obligé à descendre ensuite les degrés d’une nouvelle et plus entière décadence, l’auteur ne se décourage pas. Il expose le motif de chaque pas rétrograde ; il s’arrête avec complaisance sur sa route chaque fois qu’il peut y indiquer quelque trait brillant qui tempère l’obscurité environnante ; il rend pleine