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LES CÉSARS.

latium, celle-ci village de chaume fondée par Évandre, l’autre asile de brigands ouvert par Romulus, et entre elles la vallée marécageuse qui fait maintenant le Forum, c’est l’étroit espace d’où Rome est partie. De là elle est allée gravir, l’une après l’autre, chacune des sept fameuses collines, puis est descendue et s’est épanouie dans la plaine, a élevé et puis franchi son Pomœrium, a jeté ses ponts sur le Tibre, par-delà le fleuve a conquis le Janicule, semé des toits sur le Vatican, et s’est ouverte de plus en plus pour embrasser l’Italie d’abord, et bientôt le monde, qu’elle appelle dans ses murs. Voyez-la vers Tibur, vers Aricie, étendre ses bras de géant, vers Ostie surtout, sur cette route de la mer sans cesse parcourue par les étrangers qui lui apportent ses voluptés et son pain, sur ce chemin de halage du Tibre par où le monde débarque chez elle ; et Néron a été sur le point de conduire autour d’elle un fossé qui eût enfermé le port d’Ostie dans son enceinte ! Ainsi répandue au loin, sur cette antique terre du Latium, centre prédestiné de la péninsule, point d’intersection de toutes les vieilles races italiques, elle semble, selon l’imagination fantastique et hardie d’un de ses rhéteurs[1], « la blanche neige dont parle Homère, qui couvre et le sommet des montagnes, et les vastes plaines, et les fertiles cultures de l’homme. » Atteignant presque en tous sens les limites de l’horizon, elle ne laisse voir au-delà d’elle que les cimes effacées de l’Apennin, le neigeux Soracte et la sombre verdure de l’Algide.

Chaque ville a son centre, d’autant plus imposant et reconnaissable, qu’elle est elle-même plus puissante. Ce sera l’hôtel-de-ville des communes flamandes, la Ragione de Padoue, la Balia de Florence. Venise, cette Rome de l’Adriatique, ville de fugitifs comme elle, qui s’est agrandie sur les eaux comme Rome sur la terre, grande politique aussi et religieuse observatrice de sa vie historique, dans laquelle, comme dans Rome, toute chose a sa date et sa raison héréditaire ; Venise a dans son enceinte deux points solennellement marqués aux armes de la seigneurie : la place Saint-Marc, son forum, et l’Arsenal, son Capitole. Là toutes les ressources de la paix, ici celles de la guerre. Dans l’Arsenal, les armes, les vaisseaux. Autour de la place, la religion a son église, dont les ornemens, les reliques, les murailles même ont été conquises par de saintes victoires, La souveraineté a son palais, et flottant à sa vue, les gonfanons des quatre royaumes dont est reine cette république marchande. Le plaisir a ses

  1. Aristides.