Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/428

Cette page a été validée par deux contributeurs.
424
REVUE DES DEUX MONDES.

cordes de la lyre, et la vertu est la plus pure harmonie que l’homme puisse exhaler vers Dieu.

hélène, touchant la lyre.

Réponds-moi, ô Esprit ! ô toi que j’aime et qui parles la langue de mon esprit ! Notre amour sera-t-il éternel, et la mort ne rompra-t-elle point notre hyménée ! Ce n’est pas dans le rayon du soleil, ce n’est pas dans le calice des roses, ni dans le sein des colombes, que je puis éteindre l’amour qui me consume ; je le sens monter vers l’infini avec une ardeur dévorante. Je ne puis t’aimer que dans l’infini ; parle-moi de l’infini et de l’éternité, si tu ne veux que la dernière corde de mon ame se brise.

les esprits célestes.

Bonté infinie, amour éternel, protége la fille de la lyre ! Ne laisse pas l’étincelle de ce feu divin s’éteindre dans les douleurs de l’agonie ! Miséricorde céleste, abrége l’épreuve de l’Esprit notre frère qui languit et qui brûle sur la corde d’airain ! Ouvre ton sein aux enfans de la lyre, laisse tomber la couronne sur le front des martyrs de l’amour !

l’esprit de la lyre, à Hélène.

Que t’importe de posséder l’infini ? Qu’as-tu besoin d’être assurée de l’éternité, si pendant un jour, si pendant une heure de ta vie, tu as compris et rêvé l’un et l’autre ? L’amour seul peut te donner cette heure d’extase. Profites-en, ô Hélène, et que l’ambition d’un avenir idéal ne te fasse pas négliger le seul instant où l’idéal te soit présent. N’est-ce pas assez que cet instant, et l’amour ne peut-il résumer en une minute toutes les joies de l’éternité ? Oh ! Hélène ! pour obtenir cet instant, j’ai vu briser avec transport toutes les cordes qui me liaient au ciel par la foi et l’espérance. Il ne m’a été laissé que l’amour, et l’amour me suffit. Donne-moi cet instant, ô Hélène, et si je suis éternel, je consens à faire le sacrifice de mon éternité. Je consens à m’éteindre dans ton ame, pourvu que ton ame consente à recevoir la mienne, et qu’elle oublie un seul instant l’infini et l’éternité.

albertus.

Tu es muette pour moi, ô ma pauvre Hélène ! Les sons terribles de la lyre t’entraînent de plus en plus vers la région des pensées inconnues où je ne puis te suivre. Prends pitié de moi, prends pitié de toi-même, ô jeune Pythie ! Crains ce délire sacré, trop puissant pour la nature humaine. Reviens à des pensées plus douces, à une foi plus humble, à un amour plus méritoire et plus bienfaisant.