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REVUE DES DEUX MONDES.

méphistophélès, à part.

Malédiction sur toi, pédagogue incurable ! Tu ne peux pas seulement faire résonner la corde de l’amour ! Qui donc brisera la lyre ! Allons chercher Hanz ou Wilhelm. Peut-être seront-ils moins encroûtés. Que m’importe, au reste, qui ce soit ? La pureté d’Hélène ne peut résister au charme de la corde d’airain, et qu’elle soit souillée par le philosophe ou par toute la ville, il faudra bien que l’esprit de la lyre s’humilie, et que le philosophe se damne ! (Il disparaît.)


Scène III.


HÉLÈNE, ALBERTUS.
albertus, consterné.

Tous mes efforts sont vains ! Elle est muette pour moi, muette comme Hélène, muette comme moi-même ! Et pourtant mon ame est pleine d’ardeur et de conviction ! D’où vient donc que depuis si long-temps mes lèvres sont closes et ma langue enchaînée comme la voix au sein de cet instrument ? Pourquoi n’ai-je encore jamais osé dire à Hélène que je l’aimais !… Ah ! le juif m’a trompé, il m’a dit que ce talisman me donnerait l’éloquence de l’amour, et le talisman est sans vertu entre mes mains ! Dieu me punit d’avoir cru à la puissance des chimères, en m’enlevant ma dernière illusion, et en me replongeant dans l’horreur du désespoir ! Ô solitude, je suis donc à jamais ta proie ! Ô désir ! vautour insatiable dont mon cœur est l’indestructible aliment !…

(Il croise ses bras sur sa poitrine, et regarde Hélène avec douleur. La lyre tombe et rend un son puissant. Hélène tressaille et se lève.)
hélène.

C’est ta voix !… Où donc es-tu ?

(Elle cherche autour d’elle avec inquiétude, et après quelques efforts pour retrouver la mémoire, elle aperçoit la lyre et la saisit avec transport. La lyre résonne aussitôt avec force.)
albertus.

Quels sons graves et terribles !… Je ne croyais plus à la puissance du talisman. Pourtant cette voix me remplit de trouble et d’épouvante !


l’esprit de la lyre.

L’heure est venue, ô fille des hommes ! C’est maintenant que tous mes liens avec le ciel sont brisés. C’est maintenant que j’appartiens à la terre ; c’est maintenant que je suis à toi. Aime-moi, ô fille de la