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LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

la contemplation assidue de la Divinité. La jalousie dévorerait mes entrailles, et détruirait peu à peu toutes mes idées de justice, de patience et d’abnégation. Pour quelques enfans de plus que je donnerais à la patrie, je lui retirerais ma doctrine, qui, certes, lui est plus nécessaire ; car les bras manqueront toujours moins que les intelligences. N’est-ce pas votre avis ?

méphistophélès.

Ainsi, vous êtes bien décidé à rester moine ? C’est votre dernier mot ?

albertus.

Si c’est ainsi qu’il vous plaît de me qualifier, soit ! C’est ma dernière résolution.

méphistophélès.

En ce cas, dites-moi donc, maître Albertus, pourquoi vous avez réduit la lyre à cette seule corde d’airain ?

albertus, troublé.

Qu’ont de commun le son de cette lyre et les expériences physiques dont elle est l’objet pour moi avec les principes de ma conduite et les sentimens de mon ame ?

méphistophélès.

Sans doute ; qu’a de commun la poésie avec l’amour ? Jamais cela n’est tombé sous le sens d’un philosophe !

albertus.

C’est assez ! vos railleries me fatiguent, et tout ce que je viens de vous dire est assez triste pour mériter, de votre part, autre chose qu’un froid dédain. Vous êtes un homme sans entrailles ; laissez-moi !

méphistophélès.

Vous m’accusez, ingrat, quand je vous sers malgré vous ! Dupe de vos propres sophismes, vous aviez mis entre vous et le bonheur des obstacles invincibles, la contrainte et la gaucherie d’un philosophe ! Je vous ai fait connaître et modifier les propriétés magiques de cette lyre. Grâce à moi, vous avez dans les mains un talisman avec lequel vous pouvez toucher le cœur d’Hélène, et lui apparaître plus jeune et plus beau que le plus jeune et le plus beau de vos élèves… Et vous le dédaignez, pour vous renfermer dans votre sot orgueil ou dans votre prudence couarde ! Eh bien ! que votre destinée s’accomplisse ! Maintenant, la mélodie de la lyre est tellement simplifiée, que vous pourriez en jouer aussi bien qu’Hélène, et agir sur elle comme jusqu’ici elle a agi sur vous… Le tendre Wilhelm, ou le passionné Hanz, ou