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à son dernier danger : la lyre est anéantie. Elle l’a jetée du haut de la flèche sur le marbre du parvis.

méphistophélès.

Ce qui n’empêche pas qu’elle soit intacte. Vous la retrouverez sur son socle dans votre cabinet. Il n’y manque pas d’autres cordes que celles ôtées par vous-même, et la table n’est pas seulement fêlée. Ses figures n’ont perdu ni bras ni jambes dans la bataille, et je suis sûr que l’accord n’est pas seulement dérangé.

albertus.

Ce que vous dites est impossible. Vous me raillez, mais je vous avertis que je suis las de vos discours.

méphistophélès.

Ne m’adressez jamais la parole si la lyre n’est pas telle que je vous dis, et où je vous dis. Elle est tombée à mes pieds, comme j’écoutais Hélène au bas de la grande tour ; et, en ce moment, j’ai vu passer votre gouvernante Thérèse, à qui j’ai dit de la ramasser et de l’emporter.

albertus.

Je saurai bien tout à l’heure à quoi m’en tenir. Mais comment pouviez-vous entendre la lyre à une aussi grande distance ?

méphistophélès.

Le son de la lyre a cela de particulier que, quelle qu’en soit la douceur, on en distingue les moindres notes d’un bout de la ville à l’autre. Tout le quartier l’a entendue aujourd’hui ; et quant à moi, dont l’ouïe est très fine, je pourrais vous raconter mot à mot ce que la lyre et Hélène se sont dit l’une à l’autre au sommet de la grande aiguille du clocher.

albertus.

Vous comprenez donc parfaitement le sens de la musique ?

méphistophélès.

Très bien. N’a-t-elle pas chanté aujourd’hui les merveilles et les misères de la civilisation ? Tandis que la lyre disait la grandeur et le génie de l’homme, Hélène ne disait-elle pas ses crimes et ses malheurs ?

albertus.

Oui, j’ai compris cela aussi, — très bien cette fois, — à ma grande surprise ! Le manuscrit d’Adelsfreit me l’avait prédit.

méphistophélès.

« Sur trois cordes, la mélodie sera forte et limpide. Tous la com-