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REVUE DES DEUX MONDES.
l’esprit de la lyre.

Maintenant, la terre recueillie attend avec respect la voix de la lune, qui vient regarder sa face assombrie. Écoute bien, fille de la lyre, apprends les secrets des planètes. Du fond de l’horizon, à travers les buissons noirs, voici venir une voix faible, mais d’une incroyable pureté, qui monte doucement dans l’air sonore. Elle monte, elle grandit ; les notes sont distinctes, le disque d’argent sort du linceul de la terre ; la terre vibre, l’espace se remplit d’harmonie, les feuilles frémissent à la cime des arbres. La lueur blanche pénètre dans toutes les fentes du taillis, dans les mille et mille clairières du feuillage : voici des gammes de soupirs harmonieux qui fuient sur la mousse argentée ; voici des flots de larmes mélodieuses qui tombent dans le calice des fleurs entr’ouvertes. Silence, oiseaux des bois ! Silence, insectes des longues herbes ; repliez vos ailes métalliques ! Silence, ruisseau jaseur ; ne heurte pas ainsi en cadence les cailloux de ton lit ! Silence, roseaux frissonnans ; dépliez sans bruit vos lourds pétales, lotus du rivage ! Alcyons pétulans, ne ridez pas ainsi le miroir où la lune veut se regarder. Écoutez ce qu’elle vous chante, et vous lui répondrez quand elle vous aura pénétrés et remplis de sa voix et de sa lumière. Enivrez-vous en silence de sa plainte mélancolique ; buvez à longs traits son reflet humide ; courbez-vous avec crainte, avec amour, sous le vol des anges blancs qui nagent dans le rayon oblique. Attendez, pour vous relever, qu’ils vous aient effleuré du bout de leurs ailes embaumées, et qu’ils aient confié tout bas à chaque oiseau, à chaque insecte, à chaque flot, à chaque branche, à chaque fleur, à chaque brin d’herbe, le thème de la grande symphonie que cette nuit la terre doit chanter aux astres.

hanz.

Eh bien ! maître, cette musique ne parle-t-elle pas à votre ame ?

albertus.

Elle ne saurait parler à ma raison. Elle émeut en moi je ne sais quels instincts de contemplation ; mais par quels moyens, je l’ignore. Je ne saurais traduire ni ce que j’entends, ni ce que j’éprouve ; et pourtant je prête toute mon attention.

wilhelm.

Écoutez, maintenant ! le rhythme change.

l’esprit de la lyre.

Et maintenant, elle est levée, elle règne, elle brille ! elle se baigne dans l’éther, comme une perle immaculée au sein de l’immense océan.