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LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

albertus.

Que lui dirai-je ?

hélène.

Dites-lui de se taire, afin que j’entende la musique de là-haut…

albertus.

Quelle musique ?

hélène.

Je ne puis vous le dire. Mais vous pouvez dire au ruisseau de s’arrêter. Cette cascade chante trop haut.

albertus.

Je commanderais en vain à l’onde de suspendre son cours : Dieu seul peut commander aux élémens.

hélène.

Ne savez-vous pas un seul mot de la langue de Dieu ?

albertus.

Étrange fille ! Son délire est plein d’une poésie inconnue.

hanz.

La lyre est suspendue aux branches de ce saule. Voulez-vous, Hélène, que je vous la présente ?

hélène.

Hâte-toi : le ruisseau se moque du philosophe ; il élève la voix de plus en plus.

(Hanz lui donne la lyre.)
albertus, à part.

Elle ne s’aperçoit pas de l’absence des deux cordes.

hélène.

Écoute, ruisseau, et soumets-toi !

(Elle touche la lyre. Au premier accord, le ruisseau s’arrête.)
albertus.

Quel est ce nouveau prodige ? Voyez-vous ? la cascade reste immobile et suspendue au rocher comme une frange de cristal.

hélène.

Coule, beau ruisseau, mais chante à demi-voix.

wilhelm.

Le ruisseau reprend son cours, mais avec précaution, comme s’il craignait d’éveiller les fleurs endormies sur ses rives.

(Hélène joue de la lyre.)